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Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

Date post: 26-Oct-2021
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1 LA PRATIQUE DE LA COMPTABILITE DANS LES TPE CAMEROUNAISES Robert SANGUE FOTSO Agrégé en Sciences de Gestion Université de Yaoundé II Soa, Cameroun (+237) 699 56 89 82 [email protected] et Roland Hermann BIOÑOMO Doctorant Université de Yaoundé II Soa, Cameroun (+237) 697 01 63 93 [email protected] Résumé S’il est vrai que les pratiques comptables sont inhérentes à toutes les entreprises, les facteurs qui permettent de les identifier ne font pas toujours l’unanimité dans la littérature. Cette communication qui se propose d’analyser les pratiques de contrôle de gestion et de comptabilité de gestion dans les Très Petites Entreprises (TPE), aborde le sujet au-delà des facteurs de contingence structurelle et comportementale présents dans la littérature. Pour mener à bien cette étude qui se veut exploratoire, une enquête a été réalisée auprès des promoteurs et/ou responsables des TPE de la ville de Yaoundé et ses environs. L’analyse des données y relatives faite au moyen d’une analyse de contenu montre que, les pratiques comptables des TPE dépendent de la capacité de rétention des dirigeants, du profil du dirigeant et de la nature de certaines activités. De plus, l’émergence de ces variables permet d’appréhender le Système d’Information Comptable (SIC) des TPE à travers l’utilisation des données comptables. Mais, des éléments comme la surcharge cognitive du responsable ouvrent le champ à d’autres facteurs qui existeraient du fait que nous n’avons pas pu comprendre la vision profonde des dirigeants de TPE, ce qui a restreint notre capacité à identifier d’autres dimensions des pratiques comptables. Mots clés : Pratiques comptables - TPE - SIC - Facteurs de contingence - Fiscalité
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Page 1: Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

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LA PRATIQUE DE LA COMPTABILITE DANS LES TPE CAMEROUNAISES

Robert SANGUE FOTSO

Agrégé en Sciences de Gestion

Université de Yaoundé II – Soa, Cameroun

(+237) 699 56 89 82

[email protected]

et

Roland Hermann BIOÑOMO

Doctorant

Université de Yaoundé II – Soa, Cameroun

(+237) 697 01 63 93

[email protected]

Résumé

S’il est vrai que les pratiques comptables sont inhérentes à toutes les entreprises, les facteurs

qui permettent de les identifier ne font pas toujours l’unanimité dans la littérature. Cette

communication qui se propose d’analyser les pratiques de contrôle de gestion et de

comptabilité de gestion dans les Très Petites Entreprises (TPE), aborde le sujet au-delà des

facteurs de contingence structurelle et comportementale présents dans la littérature. Pour

mener à bien cette étude qui se veut exploratoire, une enquête a été réalisée auprès des

promoteurs et/ou responsables des TPE de la ville de Yaoundé et ses environs. L’analyse des

données y relatives faite au moyen d’une analyse de contenu montre que, les pratiques

comptables des TPE dépendent de la capacité de rétention des dirigeants, du profil du

dirigeant et de la nature de certaines activités. De plus, l’émergence de ces variables permet

d’appréhender le Système d’Information Comptable (SIC) des TPE à travers l’utilisation des

données comptables. Mais, des éléments comme la surcharge cognitive du responsable

ouvrent le champ à d’autres facteurs qui existeraient du fait que nous n’avons pas pu

comprendre la vision profonde des dirigeants de TPE, ce qui a restreint notre capacité à

identifier d’autres dimensions des pratiques comptables.

Mots clés : Pratiques comptables - TPE - SIC - Facteurs de contingence - Fiscalité

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INTRODUCTION

L’objet de cette communication est d’analyser les pratiques comptables des TPE (Très Petites

Entreprises). La recherche en Comptabilité a connu de profondes mutations au cours des

dernières décennies (Casta, 2009). La révision des normes comptables en Janvier 2017 et une

observation approfondie des pratiques de comptabilité de gestion, montrent que la

réglementation comptable reste muette sur l’existence de pratiques comptables dans les TPE.

Mais néanmoins, le responsable de la TPE, présente un comportement empirique qui présage

d’une certaine façon de faire établie arbitrairement. Autrement dit, il existe une diversité des

pratiques de contrôle de gestion qui dépendent à la fois des facteurs objectifs et subjectifs

(Sponem, 2009). La convergence des systèmes comptables nationaux, vers les normes IFRS

(International Financial Referred Standard) reste satisfaisante pour les sociétés cotées (les

grandes, les moyennes et dans une certaine mesure les petites) (Feudjo, 2010), mais ne répond

pas toujours à la formalisation des pratiques de contrôle de gestion propres aux très petites

entités. Ceci est dû au fait que la normalisation et la réglementation des pratiques de contrôle

de gestion restent encore à parfaire. Pigé et Sangué (2014) constatent justement à ce sujet que

la faillite de la normalisation provoque des externalités qui affectent négativement la

performance des entités. Cette situation est aggravée par la mauvaise structuration comptable

des TPE, qui contribuent néanmoins au Produit Intérieur Brut (PIB)1. Bouazizet Omri (2013)

parlent plutôt des divergences non discrétionnaires qui sont largement causées par des lacunes

règlementaires et normatives entre fiscalité et comptabilité. Il est donc important de bien

circonscrire le champ de la TPE afin de mieux contextualiser cette étude.

La PME camerounaise, notamment celle du secteur manufacturier fait face à des difficultés

majeures et communes aux PME/TPE à savoir le problème de la fiscalité. L’impôt libératoire

que doivent payer les entreprises de petite taille, donne droit à la carte de contribuable et rend

libre de tout autre impôt. Son montant varie en fonction de la catégorie d’activité exercée

(Missoka, 2013). Mais, le redevable n’arrive pas toujours à s’acquitter de cette obligation

fiscale. La comptabilité qui devrait constituer la preuve en matière d’imposition est reléguée

au second rang ou est même presqu’inexistante. Les TPE sont présentes dans tous les secteurs

de la vie économique notamment primaire, secondaire et tertiaire. Dans les TPE de services,

le nombre de salariés est normalement plus faible que dans les TPE manufacturières, quel que

soit le pays2.

Selon les dispositions des lois N° 2015/010 modifiant et complétant certaines dispositions de

la loi N° 2010/001 du 13 avril 2010 portant promotion des petites et moyennes entreprises au

Cameroun et la loi N° 2010/001 du 13 avril 2010 portant promotion des petites et moyennes

entreprises au Cameroun, la TPE est cette entreprise qui emploie au plus cinq (05) salariés et

dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes n’excède pas quinze (15) millions de francs CFA.

Ngok Evina (2007) présente la TPE Camerounaise comme celle qui emploie moins de dix

(10) salariés. Soulignons que la TPE est une des subdivisions des PME très peu valorisée dans

les travaux de recherche3. Les pratiques comptables étant en rapport avec le système

d’information, mettent en avant les choix opérés dans la production et l’utilisation des

données comptables. Les travaux sur les PME sont abondants, mais tel n’est pas le cas pour

les TPE.

1 Cette contribution est estimée à 20% du PIB dans la majorité des pays Africains en 2013 (Nkouka, Zamo-

Akono, et Bitemo, 2013). Ce chiffre montre l’importance de ces petites structures, plus flexibles et mieux

adaptées au contexte de développement des pays en voie de développement. 2 Il s’agit d’un constat fait lors de l’étude exploratoire. 3 France (Effectif <10, CAHT < 2 000 € par an). Selon l’OCDE, les TPE comprennent entre 5 à 19 salariés.

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Selon les données du Recensement Général des Entreprises (RGE) de 20091 au Cameroun

(INS, 2011), sur les 93 969 entreprises en activité recensées, 75% sont des TPE. Pour

Marchesnay (2003), 95 % à 98 % des entreprises recensées dans le monde sont de toutes

petites, sinon de petites entreprises. Les recherches en sciences sociales ignorent quasiment ce

type d’organisations, qui dominent pourtant la sphère économique camerounaise. Si ce

manque d’intérêt est clairement prononcé dans la production des données comptables très

rudimentaires destinées aux autorités fiscales dans les PME, la situation est forcément pire

dans les TPE (Lassoued et Abdelmoula, 2006).

Au regard de ce qui précède, les normes et la réglementation comptables ne prédisent pas

clairement les procédures et les méthodes comptables adaptées aux TPE. Cela est d’autant

plus important qu’en contrôle de gestion ou en comptabilité de gestion, les procédures sont

moyennement normalisées mais leur application reste facultative en ce sens qu’il n’est pas

toujours possible de les définir à priori, ceci même pas dans les grandes entités. Autrement

dit, les pratiques étant définies ex post dans les TPE, Quelles sont les pratiques de contrôle de

gestion et de comptabilité de gestion utilisées ? Existent-ils des pratiques de détermination des

coûts qui ne soient pas connues ? La réglementation prévoit-elle des dispositions particulières

pour les entités de toute petite taille ? De toutes ces interrogations, découle la question de

recherche suivante : Quels sont les facteurs explicatifs des pratiques comptables dans les

TPE ?

Etant donné que le Système d’Information Comptable (SIC) caractérisé par les pratiques

comptables est le premier système d’information de l’entreprise, nous avons voulu

appréhender le SIC des TPE camerounaises. Qu’est-ce qui caractérise le SIC et les pratiques

comptables des TPE camerounaises en matière de contrôle de gestion et de calcul des coûts ?

Quels en sont les facteurs déterminants ? Plus précisément, quels sont les déterminants qui

dépendent du dirigeant (facteurs de contingence comportementale) et ceux qui dépendent de

la structure organisationnelle (facteurs de contingence structurelle). Cette communication se

propose de caractériser le SIC et d’analyser les implications des facteurs de contingence sur

les pratiques comptables des TPE. La culture d’entreprise pourrait facilement définir les

« pratiques comptables », mais l’étude qui se veut fédératrice pour les TPE, n’est pas

cohérente avec cette manière de faire. Plusieurs auteurs ont abordé ce concept dans littérature.

Dupuy (1994) parle du processus qui permet de produire des données comptables et l’usage

qui est faite de l’information qui en résulte. Chapellier (1997) définit les pratiques comptables

selon deux dimensions : une dimension objective et une dimension subjective. L’objectivité

renvoie à un système de données ayant des sources comptables, passées ou à venir, et qui

renferme en son sein (la comptabilité générale, le contrôle de gestion, l’analyse financière et

l’élaboration de tableaux de bord comptables). Quant à la subjectivité, Elle renvoie à l’usage

faite des données comptables par le dirigeant selon ses besoins. Elle met en avant la

pertinence des données comptables. L’utilisation de celles-ci est conditionnée par sa

pertinence d’où le questionnement sur l’existence des SIC au sein des TPE. Cette présentation

du SIC présente une certaine confusion avec les pratiques comptables.

C’est à partir des années 1970 qu’on retrouve le « système d’information » dans l’utilisation

des ordinateurs en Gestion (Ngongang, 2006). En l’absence d’une véritable définition, le SIC

est « tout système d'information disponible, à base comptable, historique ou prévisionnelle

qui recouvre à la fois la comptabilité générale, le contrôle de gestion, l'analyse financière,

l'élaboration des tableaux de bord comptables » (Lassoued et Abdelmoula, 2006). Chapellier

et Mohammed (2010) en intégrant une dimension organisationnelle pour décrire globalement

et complètement le SIC, le présentent comme « un ensemble organisé de structures, moyens

et acteurs permettant de produire des données comptables (obligatoires et facultatives,

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historiques et prévisionnelles) utilisées par les dirigeants de PME pour gérer leur entreprise

». Cette deuxième définition intègre donc les caractéristiques de l’entité chargée de produire

et de diffuser l’information comptable. Il s’agit de « tout système d’information disponible, à

base comptable, historique ou prévisionnelle qui recouvre à la fois la comptabilité générale et

la comptabilité analytique » (Mbumba and Mbaka, 2014). Ces trois définitions proviennent

des travaux sur les PME. La définition du SIC à prendre en compte dans cette recherche est

celle relative à un ensemble organisé ou non appréhendé par un système comptable historique

et prévisionnel, obligatoire ou facultatif permettant de produire et de communiquer les

données comptables.

1. Cadre conceptuel de la recherche

Nous étudions ici les théories comptables et la façon dont ces théories peuvent influencer la

convergence théorique vers cadre comptable des TPE.

1.1. Analyse théorique des pratiques comptables

Colasse (2000) regroupe les théories comptables en trois grands ensemble à savoir : les

théories descriptives, théories normatives, théories explicatives. Granger utilise une analyse

épistémologique en se fondant sur trois piliers : réalité scientifique, la description et

l’explication et la scientificité des critères de validation.

La théorie de C. Littleton (1886-1974) selon laquelle les méthodes comptables sont élaborées

sur la base d’essais et d’erreurs. L’inductivisme de cet auteur4 est décrit comme étant le fait de

faire émerger des théories comptables de la pratique et de l’expérience. Cette théorie décrit

clairement le fait des TPE. Au fur et à mesure que les connaissances accumulées se

concentrent, la meilleure option pour la TPE se dégage au terme d’un processus empirique de

sélection. Il s’agit d’une généralisation inductive qui s’appuie sur les postulats et conventions

comptables.

Même la récente révision de l’acte uniforme OHADA le reconnait ; l’introduction des

conventions comptables au titre de principes montre combien il est important que les

praticiens s’entendent sur certains us et coutumes pour les ériger en règles. Chambers5 (1917-

1999) propose une méthode comptable qui prend en compte l’inflation : le coût historique

indexé. Il démarre en critiquant sévèrement la pratique raisonnée de Littleton. Le fait qu’une

théorie soit descriptive n’est pas suffisant pour la qualifié de cohérente. Il présente une théorie

contraire à l’induction. Il s’agit d’une démarche déductive dans laquelle des propositions sont

émises à des fins de vérification empirique. La principale critique faite à Chambers dans son

approche déductive est que malgré la logique et la cohérence des hypothèses qui peuvent être

formulées, cela ne garantit pas toujours la validité du processus de rétrocontrôle.

Le contenu du programme de Watt et Zimmerman porte sur la théorie positive de la

Comptabilité6 (Watt et Zimmerman, 1978 et 1990). En se fondant sur les théories

économiques et plus particulièrement la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976), ils

4 Littleton est l’un des premiers professeurs à enseigner la Comptabilité dans les universités Américaines. Il a

soutenu une thèse d’histoire de la Comptabilité « Accounting Evolution to 1900 » publiée en 1933, sur le titre

« Strucrure of Accounting Theory ». Il présente dans le chapitre 9 de cet ouvrage, une théorie descriptive de la

Comptabilité. 5 Chambers est la figure de proue qui ambitionne de doter la pratique comptable d’une théorie à priori qui la

rende plus rationnelle. Il a publié une dizaine d’ouvrages et plus de deux cent articles ce qui le place en tête des

auteurs comptables du 20ième siècle. Son ouvrage le plus connu est « Accounting, Evaluation and Economic

Behavior » (1966). 6 Positive Accounting Theory ou Théorie politico-contractuelle

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posent l’hypothèse selon laquelle les dirigeants des entités jouent un rôle central dans la

détermination des normes comptables, ce qui implique qu’il est important de comprendre

leurs motivations et d’identifier les facteurs qui influencent leurs choix comptables. Cette

posture, montre que même dans les entreprises du secteur formel, malgré que les règles

comptables existent, une grande marge de manœuvre reste à la discrétion des dirigeants qui

s’approprient ces normes en les contextualisant. Pour Casta (2009), cette école a permis aux

recherches en Comptabilité d’acquérir le statut de reconnaissance scientifique. La principale

critique apporté aux approches déductives et normatives est qu’elles sont trop inféodées et

d’avoir pour principal fonction de fournir des alibis théoriques aux partenaires concernés par

la normalisation (Watt et Zimmermann, 1979).

Pour mieux apprécier la comptabilité des TPE, il est important de prendre en compte les

aspirations de la théorie inductive de Littleton dans la mise en place de mécanismes

d’observation et des facteurs explicatifs des pratiques de contrôle de gestion et de

comptabilité de gestion des TPE Camerounaises. Les travaux de recherche sur les pratiques

comptables de ces entités sont encore à parfaire. C’est pourquoi nous mettons un accent

particulier sur la construction dans cette étude. Elle permet de partir des récits et des pratiques

quotidiennes des responsables pour aboutir à une théorie qui pourra à son tour être débattue

dans le cadre d’autres recherches. Ceci nous permet d’ouvrir le débat sur l’existence des

pratiques comptables dans les TPE.

1.2. Convergence des usages vers des pratiques comptables dans les TPE

Une des lacunes des travaux sur les pratiques comptables reste celle de ne pas clairement les

définir. L’essentiel des travaux se contente de donner les types de pratiques sans

véritablement définir le concept. Cette recherche les présente comme les choix comptables

opérés de manière quotidienne par les dirigeants de TPE. Cette approche qui se veut plus

réaliste évoque en son sein l’inexistence d’un contrôle de gestion ou d’une comptabilité de

gestion formels dans les TPE. Il s’agit en fait des divergences discrétionnaires (Bouazizet

Omri, 2013), car les pratiques de contrôles de gestion des TPE sont essentiellement régies par

les adaptations personnelles du dirigeant. Il faut également dire que cette conception des

pratiques comptables met l’accent sur la comptabilité de gestion qui tourne essentiellement

autour l’analyse des coûts.

Les pratiques comptables restent l’objet principal des recherches de Watt et Zimmerman sur

la théorie polico-contractuelle. Une distinction importante se dégage entre les sciences

positives, entendues ensemble de connaissances sur « ce qui est », et les sciences normatives,

ensemble de connaissances sur « ce qui devrait être » (Casta, 2009). Les pratiques comptables

étant le point focal des sciences positivistes, cette étude qui privilégie les approches

constructivistes au sens de Littleton, se propose de soumettre l’objet de cette théorie politico-

contractuelle aux artefacts de l’induction dans les entités de taille très réduite. Une affirmation

de Christenson (1983) présente cette théorie comme une sociologie de la Comptabilité. Elle

étudie les choix comptables. Elle décrit la façon dont les comptables font leur travail. Il s’agit

de présenter les méthodes comptables mise en place au sein de l’entité. Le choix fait dans

cette recherche d’étudier les choix comptables se justifie par le fait que la littérature sur les

pratiques comptables des TPE reste largement absente. Nous voulons contribuer à

l’édification d’une littérature dans ce sens. Faire un choix se résume donc à adopter un

comportement. Le comportement comptable auquel adhère le manager de la TPE se justifie

par le biais d’un certain nombre de facteurs de contingence issus essentiellement des études

sur les pratiques comptables des PME. Pour opérationnaliser ces déterminants, il est important

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que nous les adaptions au contexte de la TPE Camerounaise afin d’aboutir à des propositions

efficaces.

L’hétérogénéité du SIC des entreprises identifie des facteurs de contingence susceptibles

d’influencer les choix comptables des PME (Lassoued et Abdelmoula, 2006). Ces facteurs

s’inscrivent dans le courant de la théorie de la contingence qui comprend deux

tendances appréhendées par le biais dimensionnel des pratiques comptables de Chapellier : les

facteurs issus de la contingence structurelle (la taille, l’âge de l’entreprise, le secteur

d’activité, le degré d’informatisation de la gestion) et les facteurs issus de la contingence

comportementale (la taille, l’expérience du dirigeant, l’âge du dirigeant, la mission du

comptable interne, la formation du comptable interne, le niveau d’étude et le type de

formation, la formation du dirigeant). Une troisième dimension a été introduite par Chapellier

et Mohammed (2010). Il s’agit de la dimension organisationnelle. Elle représente les

caractéristiques de l’unité chargée de fournir et communiquer les données comptables

(morphologie du service comptable, degré de spécialisation du service, degré

d’informatisation et profil du comptable interne). Ces trois dimensions nous montrent avec

force, combien le dirigeant a un lien étroit avec les pratiques de contrôle de gestion et de

comptabilité de gestion mises en œuvre au sein de la TPE. L’importance des pratiques en

matières de sauvegarde et d’enregistrement des traces des transactions nous permet de juger

de la complexité ou non du système d’information en général et du SIC de l’entité en

particulier. Deux composantes permettent donc de juger de la simplicité ou de la difficulté à

appréhender les pratiques comptables et le SIC des entités.

Plusieurs facteurs sont interpellés pour juger de la pertinence des pratiques et des facteurs qui

les détermine. Les facteurs issus de la contingence structurelle sont : la taille, l’âge de

l’entreprise, le secteur d’activité, le degré d’informatisation. La taille de l’entité est une

variable susceptible d’influer le comportement des dirigeants face aux choix comptables.

Cette étude privilégie l’approche par le nombre d’employés au cas où il y a congruence avec

le chiffre d’affaires. C’est une variable explicative du SIC en contexte PMI/PME.

L’augmentation de la taille accroit, la diversification, la complication, la sophistication des

instruments de management et de formalisation du SIC (Mbumba and Mbaka, 2014). L’âge

de l'entreprise ou sa durée de vie depuis sa constitution, est un critère de base faiblement

retenue dans la littérature. Pendant les premières années d’existence de l’entité, les

informations comptables sont plus détaillées que lorsqu’elle est déjà expérimentée (Holmes et

Nicholls, 1988). Ceci est dû au fait que, les premières années le dirigeant est un important

demandeur d'informations, car il est en situation d'apprentissage. Au fil du temps, cette

demande va baisser et se stabiliser par la suite. Ceci justifie l’importance d’avoir à enregistrer

les informations sur un support en début d’exploitation. Concernant le secteur d’activité,

Chapellier (1994) avance qu’il n’y a qu’un lien partiel entre le type d’activité et les pratiques

comptables des PME. La multiplication des secteurs permet automatiquement un examen plus

clair puisqu’elle reflète l’hétérogénéité des PME et évite la sectorisation des résultats (Nobre,

2001). Les entités de petite taille peuvent préparer leurs états financiers intermédiaires seules

à l’aide d’un système comptable informatisé. Pour Orger (1986), l’informatisation de la

gestion permet le traitement de l’information en quantité et en qualité, ce qui améliore les

conditions de prise de décision des dirigeants. Néanmoins, Chapellier (1997) révèle que le

degré d’informatisation de la gestion n’est que partiellement associé aux pratiques comptables

des PME. Cette affirmation révèle qu’au même titre que les TPE les pratiques comptables

sont majoritairement dépendantes du contexte dans lequel vit l’entité et ne sont que très peu

influencé par l’informatique.

Les facteurs issus de la contingence comportementale sont : l’âge du dirigeant, l’expérience,

la formation du dirigeant. Certains chercheurs trouvent que le degré d’utilisation des données

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comptables diminue quand l’âge des dirigeants augmente. Ceci a été réfuté par l’étude de

Ngongang (2007) qui trouve que les deux facteurs de contingence comportementale que sont

l’expérience et l’âge du dirigeant n’ont aucun effet statistique significatif sur le SIC et les

pratiques comptables. De même, Lassoued et Abdelmoula (2006) concluent que l’âge du

dirigeant n’a pas d’influence sur l’utilisation des données comptables. De nombreux auteurs

relèvent que le degré d’utilisation des données comptables augmente avec l’expérience.

Certains, en revanche, ne trouvent aucune relation entre le degré d’utilisation et l’expérience

de l’utilisateur (Reix, 1981). D’autres, enfin, démontrent une relation inverse. Selon eux, plus

le dirigeant est expérimenté, plus il est âgé, plus il consomme moins d’informations et par la

suite il utilise moins les données comptables de gestion (Chapellier, 1994). Plusieurs auteurs

ont étudié l’impact du niveau de formation des dirigeants sur le degré d’utilisation des

données comptables. La littérature sur ce thème affirme que les dirigeants les plus formés

présentent un degré d’utilisation des données comptables plus fort ou plus intense. Toutefois,

le type de formation lui-même peut expliquer le degré d’utilisation de ces données (Holmes et

Nicholls, 1988). Les dirigeants disposant d’une formation de type comptables/ou

gestionnaires présentent un degré d’utilisation des données comptables de gestion élevé.

L’approche théorique ci-dessus évoqué, ne permet que d’évoquer les pratiques soulignées

dans les PME et de présager leur présence dans les TPE. L’approche méthodologique qui va

suivre nous permettra de donner notre opinion sur la présence des pratiques de Comptabilité

de gestion et de contrôle de gestion dans les TPE camerounaises.

2. PROTOCOLE METHODOLOGIQUE

Cette étude vise à analyser les pratiques comptables des TPE. Il s’agit de cerner l’existence

des pratiques propres à ces entités. A partir des entretiens semi-directifs que nous avons

menés auprès d’une dizaine d’entités, nous concevons d’entrée de jeu que des pratiques de

contrôle de gestion et de comptabilité de gestion sont plus ou moins existantes et sous

diverses formes dans les TPE. Mais la fiscalité et la réglementation ont du mal à les cerner à

cause de la difficulté à trouver les facteurs pouvant permettre de les capter ce qui nous a

conduit à mettre en avant la théorie de la contingence largement évoquée dans les travaux en

Comptabilité.

2.1. Problématique, traitement des données et échantillonnage

La démarche méthodologie est qualitative de type exploratoire et s’appuie sur le paradigme

interprétativiste (Girod-Séville et Perret, 1999 ; Spence, 2007). L’absence de base de données

observée dans les TPE nous a permis de justifier le caractère qualitatif de cette recherche. Il

s’agit d’une étude de cas multiple, qui consiste à étudier un phénomène dans des situations

différentes. Elle s'avère nécessaire si l'on veut éclaircir « les comment et les pourquoi » des

phénomènes, dans les situations où les chercheurs ont peu de contrôle sur les événements et

les situations étudiés (Yin, 1984 ; Eisenhardt, 1989). Les interviewés étant très occupés et

n’ayant pas suffisamment de temps pour développer leurs réponses, une partie des questions

sera directive et l’autre laissera la latitude au développement du répondant.

L'échantillon a été constitué progressivement par itérations successives, chaque élément ayant

été sélectionné par choix raisonné et dans un souci de représentativité de l'ensemble des

secteurs d'activité. Nous avons émis le souhait de présenter des caractéristiques générales qui

rendent la comparaison possible. Nous avons procéder par des entretiens semi-directifs auprès

des responsables ou des promoteurs d’une dizaine de TPE. La précision sur la taille de cet

échantillon s’est faite par convenance et les interviews se sont arrêtés dès lors que leur

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multiplication ne nous a plus semblé nécessaire (principe de saturation). Les entités

interviewées, sont toutes situées dans la zone de Yaoundé qui comprend près de 24% des

entreprise recensées en 2009 (INS, 2009) et ses environs. Maintenant, place sera faite à la

présentation des cas étudiés.

Nous avons enregistré les entretiens avec les répondants avant de les retranscrire par écrit. Le

choix des TPE s’est fait en fonction du fait que certaines n’étaient pas disposées à répondre à

nos questions. Au total, dix entretiens ont été menés auprès des responsables ou promoteurs.

Ils ont été menés par les auteurs qui sont chercheurs à l’université de Yaoundé II. Les langues

utilisées ont été le Français et l’anglais7 et les enregistrements audio restent à la disposition de

ceux qui souhaiteraient vérifier leur existence. Des questions ne figurant pas sur le guide

pouvaient être posées en plus pour améliorer la qualité des réponses sans toutefois influencer

la logique des répondants. Nous avons également dû procéder à un ratissage pendant la

première dizaine de novembre 2017, pour convaincre et sélectionner les entités à auditionner.

Cette tache préliminaire et très importante a permis de nous rendre compte de la difficulté à

mener une recherche dans ces organisations.

Il s’agit d’analyser les pratiques comptables des TPE camerounaises, qui n’obéissent pas au

cadre comptable légal. La gestion des entreprises étant à la fois formelle et informelle, les

récentes révisions observées dans l’acte uniforme en vigueur ne contribuent pas à une

émancipation des TPE. Cette recherche permet d’étudier la tenue des comptes dans ces entités

qui contribuent tant bien que mal à la croissance économique. Il faudra donc présenter les

méthodes, les us et coutumes et les pratiques utilisées pour l’information financière. Ainsi,

nous cherchons à analyser les pratiques comptables des TPE et à présenter les facteurs qui les

influencent. L’étude a privilégié l’hétérogénéité des entités pour donner une perception des

pratiques comptables selon les expériences de chaque protagoniste dans son secteur d'activité.

Cette étude permettra à terme de centrer le travail sur les choix comptables opérés grâce à des

entretiens semi-directifs.

7 Même si un seul entretien s’est déroulé en Anglais. Mais le facteur langue n’est pas un élément objectif dans

cette étude.

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Tableau 1 : Caractéristiques générales de l’échantillon.

Source : Des auteurs à partir des données collectées

La totalité des entretiens a nécessité près de huit (08) heures de temps. Nous constatons une

durée moyenne d’environ 48 minutes par entretien réalisé. La méthode de traitement de

données retenue est l’analyse de contenu thématique (Paillé et Mucchelli, 2012), qui permet

d’identifier les différents facteurs de la pratique comptable en termes de postulats et

conventions comptables, de culture, de motivations, de besoins, d’opportunité des

promoteurs. Cette étude s’interdit d’influencer fondamentalement les réponses des acteurs. En

cas de nécessité, les propos des répondants seront retranscrits tel quel et la non exhaustivité de

cette recherche qui se veut subjective dans sa démarche justifie le caractère scientifique

reconnu aux sciences sociales. Nous voulons donc rendre compte grâce au récit d’une histoire

des facteurs explicatifs des pratiques comptables (Czarniawska, 2004). Notre démarche tend

donc plus vers l’anthropologie que vers des méthodes économiques classiques. Dans

l’ensemble, l'analyse a consisté à repérer les mots clés et les idées-clés dans les verbatim issus

des entrevues avec les personnes interviewés. Ces idées directrices, sont simplement utilisées

pour construire des condensés justes des faits relatifs aux différents aspects des pratiques

comptables. Le tableau1ci-dessus, présente un résumé des entretiens effectués.

Des difficultés particulières ont étés rencontrées lors des entretiens. L’enquêteur s’est déplacé

sur le lieu des différentes activités. Malgré que les responsables fussent informés, la difficulté

majeure a été de mener l’interview. Il a fallu à chaque fois stopper l’enregistrement pour

Codes

entretiens

Nature

d’activité

Fonction du

répondant

Profession

antérieure

Sexe du

répondant Durées

E1 Photographie Promoteur Chômeur M 40’

E2 Call-box Promotrice Chômeuse F 55’

E3 Orange-money Gérant Gérant cyber-

café M 35’

E4 Secrétariat Gérante Stagiaire F 42’

E5 Auto-école Gérant Stagiaire F 38’

E6 Vente de fruit et

légumes Promotrice

Gérante

Secrétariat F 37’

E7 Secrétariat Gérante Chômeuse F 52’

E8 Mini-

boulangerie Gérante Couturière F 50’

E9 Call-box Promoteur Chômeur M 54’

E10 Mini-

alimentation Promoteur Débrouillard M 1h15’

Page 10: Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

10

permettre de servir les clients. Seul l’entretien E10 a été mené sereinement. Le concerné nous

avait donné rendez-vous à 18 heures et à notre arrivé il a fallu patienter pour qu’il daigne

nous recevoir. Lorsque nous avons commencé, il y a eu une altercation avec une cliente alors

que le promoteur avait suspendu le service le temps de l’entretien. Il a fallu, que ce-dernier

qui visiblement voulait répondre honnêtement à nos questions s’éloigne de son lieu de

commerce pour terminer l’interview. Il nous a à cet effet révélé ne pas tenir de registre mais

avoir l’intention de suivre son activité à moyen terme par le biais d’enregistrement. Il se

justifie par le fait qu’il est redevable de dettes envers un certain nombre de créanciers et

attend éponger toutes ces dettes afin de résolument organiser des opérations d’enregistrement

de ses opérations, de prévisions et de calculs de ses coûts.

Grace au ratissage effectué, l’enquêteur n’a pas eu de véritable difficulté pour se faire

accepter le jour des entretiens. Surtout qu’il a fallu exploiter nos relations personnelles et

l’aide de certaines connaissances. Malgré cela, le taux de refus aura été de 25,5% des

entrevues sollicités. Il a également fallu expliquer aux concernés que pour que l’objet de

l’étude soit atteint, il fallait les enregistrer. Cet aspect des choses n’a notamment pas perturbés

les cas E1, E2, E3, E6, E9 et E10 qui nous ont accordé une attention particulière. Mais pour

les autres c’était beaucoup plus une question de confiance envers l’enquêteur qui les a

rassurés de la stricte confidentialité de la recherche et des réponses données. Nous

remarquons à cet effet que ces derniers sont justes des gérants et pas des promoteurs ce qui

justifie le doute exprimé. Tandis que les autres, (5 sur 6) sont eux-mêmes promoteurs et

gérant.

De manière simultanée, on pouvait observer pendant les pauses (lorsqu’il fallait servir des

clients) la situation réelle des interviewés. Il ne s’agissait pas de remettre en cause les

réponses mais d’évaluer leur véracité. Par exemple, chez certains (moins du ¼) nous avons

observé comme des vieux cahiers sur lesquels on pouvait voir quelques chiffres notés. A

chaque fois que nous avons sollicité faire des copies (chez tous) d’un quelconque document,

cela s’est avéré impossible.

Page 11: Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

11

Typologie des

facteurs Facteurs Signification des facteurs

Nombre de réponses

Favorables Défavorab

les

FA

CT

EU

RS

DE

CO

NT

ING

EN

CE

ST

RU

CT

UR

EL

LE

Taille

Chiffre

d’affaires Une taille faible ne permet pas de juger de la

faiblesse du niveau d’information comptable

et de circonscrire le champ de l’étude.

10 -

Nombre

d’employés 10 -

Age de l’entreprise

Plus l’entité est jeune, plus le dirigeant est

demandeur d'informations car il est en

situation d'apprentissage. Au fil du temps,

cette demande stabilise. (Age ≤ 5 ans)

7 3

Activité L’hétérogénéité des activités étudiée permet

de généraliser les résultats de l’étude 8 2

Informatisation

comptable

Elle dépend fortement de la taille de l’entité et

du contexte dans lequel elle vit. 4 6

FA

CT

EU

RS

DE

CO

NT

ING

EN

CE

CO

MP

OR

TE

ME

NT

AL

E

Age du dirigeant Plus le dirigeant est âgé, moins il utilise les

chiffres comptables. 5 5

Année d’expérience

Plus le dirigeant est expérimenté, moins il

utilise les chiffres comptables. (Expérience ˃

3 ans)

4 6

Niveau d’étude

Les dirigeants les plus formés utilisent plus

les pratiques comptables que les autres.

(Secondaire et plus)

7 3

Type de formation

Ceux qui disposent d’une formation en

Comptabilité ou Gestion utilisent plus les

chiffres pratiques comptables.

1 9

PR

AT

IQU

ES

CO

MP

TA

BL

ES

Pro

du

ctio

n d

es c

hif

fres

com

pta

ble

s

Enregistreme

nt

quotidienne

des

transactions

La sauvegarde d’information comptable

montre l’existence d’une comptabilité

générale.

5 5

Synthèse

périodique

L’entité a le souci de présenter des états

synthétiques même embryonnaires. 5 5

Calcul des

coûts

L’entité a le soucis de comprendre ce qu’elle

dépense et comment se forme sont gain ou sa

perte.

7 1

Prévisions L’entité a le souci d’une démarche

prévisionnelle 9 1

Tableau 2 : Récapitulatifs des facteurs explicatifs de la présence des pratiques

comptables des TPE.

Page 12: Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

12

La démarche a donc consisté à poser une série de questions auxquelles des réponses étaient

données ou pas. Certaines questions nécessitaient des réponses brèves mais d’autres

consistaient à entrer en profondeur dans la gestion quotidienne, prévisionnelle et analytique

afin d’identifier des facteurs significatifs qui nous permettraient d’aboutir à des conclusions.

2.2. Résultats et discussions

La diversité des résultats obtenus permet d’apprécier les facteurs qui influencent les choix

comptables du dirigeant de TPE permet de dire globalement quel que soit le secteur d’activité,

les type de pratiques comptables des TPE sont dépendantes du niveau d’étude du gérant

principal et dans une certaine mesure du type de formation. Les acteurs sous-formés ou

autodidactes utilisent des pratiques qui siéent avec leur confort intellectuel et cela n’a pas

forcément un effet néfaste sur l’activité. Le tableau 2 montre la primauté accordée aux

facteurs qualitatifs pour appréhender les pratiques comptables des TPE. Ceci peut s’expliquer

par le fait que le responsable reste l’élément moteur du système. Les facteurs comportement

qui accompagnent sa personne, influencent sa conception d’un système de donnée

quantifiables vis-à-vis de ses parties prenantes notamment l’Etat [(Marchesnay, 2003) ;

(Sogbossi, 2010) et (Sangué et Wamba, 2017)]. Malgré tout ceci, certaines entités ou du

moins plus de la moitié, utilisent parfois sans le savoir les outils traditionnels de gestion pour

la production de données comptables. La volonté du dirigeant étant confondue avec la vision

de l’entreprise, les entretiens nous révèlent que les pratiques comptables des TPE peuvent

s’appréhender au niveau culturel, psychologique, le type d’activité et le comportement

cognitif du responsable.

2.2.1. L’approche psychologique des pratiques de contrôle de gestion

Par approche psychologique, il faut entendre le caractère mental de sauvegarde des chiffres

comptables. Ceci passe par la rétention quotidienne (en tête) pour les cas E1, E6, E8, E9 et

E10. Dans le cas de la TPE de photographie (entretien E1), le responsable nous confie

ceci« …Si j’ai beaucoup travaillé en une journée, je vais dire peut être demain sera un peu

mieux, je vais venir avec plus de matériel, soit acheter un peu plus de matériel, c’est comme

ça que j’essaie un peu de jongler … effectivement, je n’ai pas besoin des outils comptables

pour pouvoir sauvegarder tout cela, je garde ça dans la tête ».

Pendant l’entretien E6, la responsable présente sa démarche prévisionnelle de « je

m’approvisionne quand ça finit ». Elle nous confie également que toutes ses opérations de

comptabilité sont « dans sa tête ».

Dans le cas d’E8, la gérante nous confie que pour toutes les activités de production des

données comptables se font sur des papiers volant qui sont jeté par après sa trace de

sauvegarde. L’entretien E9 nous présente également une situation similaire. Il s’agit du seul

Evaluation

de la

situation

financière

L’entité a les soucis de diagnostic de sa

situation financière. 8 2

Fiscalité L’entité a les soucis de preuve de la fiscalité 9 1 U

tili

sati

on

de

chif

fres

com

pta

ble

s Utilisation

interne

L’entité a le souci de fonctionnement du

système d’information interne 8 1

Utilisation

externe

L’entité a le souci de fonctionnement du

système d’information externe 4 6

Page 13: Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

13

interviewé anglophone qui ne présente pas de particularité significative pour cette étude.

L’entretien E10 qui est un entrepreneur relativement jeune et autodidacte (niveau Cours

Moyen première année), nous observons une activité florissante dans laquelle tout est

psychologique en matière de chiffres. Cette perspective psychologique que nous introduisons

dans cette recherche revêt une connotation sociologique et culturelle importante.

2.2.2. Les pratiques de comptabilité de gestion sont influencées par le profil du

dirigeant

Elle est caractérisée par les facteurs suivants : l’âge du dirigeant, le nombre d’années

d’expérience, le Niveau d’étude et le type de formation. Il faut comprendre ici que la

production des données comptables dépend essentiellement du profil du responsable et de sa

philosophie. Ces deux éléments sont influencés par son expérience, sa formation et son âge.

Pendant nos auditions, les plus âgés étaient E1 (38 ans), E2 (38 ans) et E6 (48 ans). De tout

seul E2 nous a révélé qu’elle sauvegarde ses chiffres dans un cahier et qu’elle fait une

synthèse en fin de mois. Ce qui vérifie partiellement les travaux de Holmes et Nicholls

(1988).

Les plus expérimentés sont E1 (5 ans), E2 (7ans), E7 (6ans) et E10 (5 ans). L’expérience est

un facteur culturel très important. Plus le responsable est expérimenté, plus il a de moins en

moins recours aux pratiques comptables. La preuve en est que seule E7 qui est la plus

instruite et n’a que 30 ans fait un rapport synthétique à son patron. Mais pour l’essentiel, tout

reste psychologique et seule la rétention fait office de pratique comptable.

Le niveau d’étude et le type de formation dans ce cas ne vérifie donc par aisément la

formalisation des pratiques comptables des TPE. Seul E1 a une formation de gestionnaire, E2

et E7 ont fait des études de droit et E10 n’a fait que le primaire. Par contre le degré

d’utilisation des données comptables baisse au fur et à mesure qu’on est expérimenté sauf si

l’on considère les données issues de la rétention. Seule E2 vérifie la conclusion de

(Chapellier, 1994) mais pas celle de Holmes et Nicholls (1988) sur le lien entre le type de

formation et l’utilisation des données comptables. Ceci nous amène à nous interroger sur le

lien qui pourrait exister entre la nature de l’activité et les pratiques comptables.

2.2.3. Le caractère prioritaire de certaines activités en matière de pratiques de contrôle

de gestion et de comptabilité de gestion

Il faut savoir que certaines activités sont plus disposées à admettre de manière naturelle les

pratiques comptables. Ces activités occupent une place particulière non pas en raison de leur

nature, mais parce qu’elles se prêtent sans gêne et sans ambages aux pratiques de

comptabilité. Il s’agit en fait des activités de service. Ici nous avons : E2, E3, E4, E5 et E7.

Cette redondance dans l’activité de service étant immatérielle, la maîtrise de l’activité ne

nécessite pas beaucoup de personnel. Ces activités se prêtent donc aisément aux dispositions

des pratiques comptables. Par exemple pour l’auto-école, la gérante ne fournit aucun effort.

Chaque fois qu’il y un nouveau client elle enregistre dans la machine : « on enregistre chaque

fois qu’il y a un client et on lui délivre un reçu et une fiche de suivi ». L’entretien E7 révèle

que : « on sauvegarde dans des registres manuels les recettes et dépenses et la synthèse se

fait de manière hebdomadaire ». Le cas E4 précise que l’enregistrement se fait

« Progressivement sur une fiche au moment de l’opération » et « Oui, par semaine». Le cas

E2 est plus détaillé, « Je fais les comptes à la fin de la journée et là je prévoie ce que je vais

acheter le lendemain et je note chaque entrée et chaque sortie. En ce qui concerne le transfert

de crédit, j’attends de vendre toute une journée et je vois ce qui est sorti là je sais comment je

vais encore acheter » ;

Page 14: Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

14

« Je fais le bilan de la semaine et je fais aussi le bilan mensuel et je peux savoir ce qu’un

mois m’a rapporté, une semaine et je peux savoir aussi ce que je peux bien m’offrir à base de

ce que j’ai gagné» ;

« Oui. Quand je sors pour faire les achats, je note tout ce que je dépense»

« Je calcule par écrit. Je note tout ce que j’ai acheté et tout ce que j’ai dépensé»

« Oui je fais souvent les prévisions »

« Euh... Bon quand je vends pendant un mois je garde un peu d’argent parce que je sors deux

ou trois fois par mois et quand je réussis à vite écouler, après deux semaines je peux encore

ressortir. Lorsque je remarque que quelque chose manque sur le comptoir, je note. Si le

marché n’est pas à côté. Pour déterminer la quantité, j’imagine un peu la quantité que je

peux vendre jusqu’à ce que je sorte. Par exemple, les bonbons Youpi que les étudiants aiment

tant, je peux acheter deux boites quand je sors, là je sais que je peux les vendre tout le mois»

« Oui bien sûre je fais des prévisions»

« Oui, je détermine cela à partir des ventes que je fais. Si je constate que les ventes sont en

baisse, je sais que l’activité ne se porte pas bien, dans le cas contraire ça va»

CONCLUSION

Cette communication avait pour objectif d’analyser les pratiques comptables que les

dirigeants de TPE Camerounaises utilisent. L'apport principal de cette contribution réside

dans le fait que la comptabilité qui devrait servir de preuve à la fiscalité est inexistante dans

les TPE et de ce fait, la normalisation comptable qui gouverne la comptabilité dans les petites,

moyennes et grandes entités est défaillante dans les TPE. Nous avons cherché à comprendre

et à expliquer les pratiques comptables de ces entités. Le facteur psychologie (la rétention), le

profil du dirigeant et le caractère prioritaire de certaines activités deviennent des éléments

pertinents d’identification et de captation des pratiques comptables des TPE. Les entretiens

semi-directifs menés auprès de dix responsables et promoteurs de TPE révèlent la particularité

et la complexité qu’il y a à définir les pratiques comptables des TPE en raison des facteurs de

contingence structurelle et comportementale et des caractéristiques même de l’entité étudiée.

Analyser les pratiques comptables, revient à identifier les facteurs qui influencent la

production des données comptables et l’utilisation de ces données. Les facteurs qui

déterminent donc ces pratiques comptables dans les TPE Camerounaises témoignent de la

nécessité d’une convergence des normes comptables vers des déterminants psychologiques,

cognitifs et qui tiennent compte de la nature de certaines activités récurrentes en TPE. Il

s’agira de donner et de mieux comprendre les pratiques comptables des TPE.

Les résultats de l’étude empirique confirment la pluralité et la singularité des facteurs pouvant

permettre d’identifier les pratiques comptables des TPE. Elles peuvent être psychologiques,

dépendantes du profil du dirigeant ou du responsable ou encore avoir un lien avec le caractère

prioritaire de certaines activités vis-à-vis des pratiques comptables. L’identification du SIC

des TPE est affecté par la capacité du dirigeant à retenir les flux d’opérations qui surviennent

quotidiennement. Nous avons également constaté qu’aucun répondant (même les moins

éduqués) n’a émis une idée contraire à cette étude. Il s’agit de dire que l’on ne devrait pas

exiger des pratiques comptables formelles aux TPE. Cette remarque ne correspond pas à la

réalité car les acteurs se ruent vers les TPE non seulement parce qu’elles s’adaptent

facilement à l’environnement fortement complexe, mais aussi parce que les exigences en

matière de production et de communication financière sont presque nulle. Finalement, ces

résultats fournissent des avancées tant théoriques que pratiques.

Page 15: Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

15

La théorie s’enrichie en ce sens que cette recherche contribue à donner un contenu plus large

à la notion de pratiques comptables. Notamment, les facteurs qualitatifs comme la

psychologie et la nature prioritaire de certaines activités viennent conforter l’influence

cognitive du dirigeant, ce qui confirme le caractère multiforme de cette notion. Au plan

managérial, le fait de ne pas utiliser les outils formels de gestion ne signifient pas

l’inexistence des pratiques comptables. Même les TPE, utilisent des pratiques comptables qui

leurs sont propres et adaptées à leur contexte. Nous n’avons pas pu identifier de manière

claire les ambitions des dirigeants ce qui ne permet pas de connaitre clairement les objectifs

poursuivis, ni les autres dimensions des pratiques comptables dans les TPE. Au-delà de cette

contribution, il s’agit d’explorer en profondeur la surcharge cognitive du dirigeant de la TPE

intéressante dans le cadre des recherches en GRH. Ceci pourrait permettre de prendre en

compte les facteurs culturels et de comprendre comment les désirs du dirigeant commandent

les pratiques comptables.

Page 16: Robert SANGUE FOTSO et Roland Hermann BIOÑOMO

16

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2 – Ouvrages

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3 – Chapitres dans un ouvrage collectif

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4 – Thèses

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6 – Rapports

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Novembre, 228 pages.

7 – Communications dans des congrès

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8 – Lois

La loi N° 2010/001 du 13 avril 2010 portant promotion des petites et moyennes entreprises au

Cameroun

Loi N° 2010/001 du 13 avril 2010 portant promotion des petites et moyennes entreprises au

Cameroun.


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