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LE DOSSIER Écrivons le futur de la finance...pour que l’argent relie les hommes Ce numéro est...

Date post: 16-May-2020
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pour que l’argent relie les hommes Ce numéro est aussi téléchargeable sur le site : www.lanef.com Le magazine coopératif de la Nef Septembre 2018 numéro 10 Écrivons le futur de la finance éthique LE DOSSIER L’Obélisque de la place de la Concorde, Paris © Yann Arthus-Bertrand NUMÉRO SPÉCIAL LA NEF A 30 ANS
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Écrivons le futur de la finance éthique

LE DOSSIER

L’Obélisque de la place de la Concorde, Paris © Yann Arthus-Bertrand

NUMÉRO SPÉCIAL LA NEF A 30 ANS

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édito

lors c’est quand la banque éthique ?

“Alors, c’est quand la banque éthique ?” voilà une phrase que nous entendons régulièrement lors de nos rencontres avec le public. Et d’ajouter parfois : “je reviendrai quand vous aurez les comptes courants”. Mais, dans notre

esprit, la finance éthique et solidaire se doit aussi d’être participative et démocratique. Elle n’existe que si les citoyens s’impliquent et soutiennent le mouvement. Nous sommes prêts de 40 000 sociétaires aujourd’hui, mais chacun compte et plus nombreux nous serons, plus nous avons des chances de pouvoir développer ces comptes courants.

Pour préparer cela et célébrer nos 30 ans, nous vous invitons, dans ce numéro de Fil d’Argent, à écrire avec nous l’avenir de la finance éthique. Une trentaine de personnalités partagent leur avis et leurs attentes sur l’avenir et sur les formes qu’elle prendra dans les années à venir.

Parce que, avant de poser la question “quand ?”, nous posons le “quoi ?”… C’est quoi la banque éthique du futur ? Le monde financier se transforme et donne à voir une image en trompe-l’œil : d’un côté, la publicité nous montre des banquiers aux côtés de leurs clients et de l’autre, des scandales financiers éclairent une toute autre réalité. Les banques aujourd’hui, poussées dans le dos par l’inflation réglementaire, se bureau-cratisent, s’automatisent et gèrent leurs clients comme des données informatiques (pour peu qu’ils entrent dans les cases prévues). Pour la Nef se pose la question de la proximité : comment dans cette transformation, garder le contact avec nos clients et nos sociétaires, avec les citoyens engagés ? Une chose est sûre, cela passera par les sociétaires actifs qui, tout au long des années, travaillent à cette proximité. Cet automne, avec eux, nous viendrons vous voir un peu partout en France, pour vous rencontrer et échanger sur la banque éthique de demain que nous construisons jour après jour.

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Fil d’argent n° 10 / Septembre 2018 – Édité par la Société financière de la Nef Immeuble Woopa - 8 avenue des Canuts - CS 60032 - 69517 Vaulx-en-Velin Cedex / [email protected] / www.lanef.comResponsable de publication : Amandine Platet.Ont participé à ce numéro : Rachid Abidi, Levent Acar, Julien Adda, Amandine Albizzati, Yann Arthus-Bertrand, Flore Berlinguen, Jean-Paul Briotet, Jean-Pierre Caron, Aurélie Chabeau, Christophe Chevalier, Florent Compain, Thomas Coutrot, Michel Dubromel, Bernard Horenbeek, Hervé Kempf, Marie Christine Korniloff, Mathieu Labonne, Eric Larpin, Leo Miranda, Pedro M. Sasia, Anne-Charlotte Pesce, Constantin Petcou, Isabelle Philippe, Nathalie Pijard, Philippe Pivan, Dominique Plihon, Henri Rouillé d’Orfeuil, Eva Sadoun, Christian Sautter, Wartena Sjoerd, Jean-Benoît S. Robert, Frédéric Tiberghien, Pierre-Emmanuel Valentin.Crédits photos : la Nef (sauf mention contraire). Couverture : © Yann Arthus- Bertrand, droits réservés – Création graphique : Scop Crescend’O – Mise en page : Bimp Communication – Impression : Rivet Presse / Édition. Imprimé avec des encres à base végétale, support papier 100 % recyclé – NFA-10 – Dépôt légal septembre 2018 – ISSN 2271-5207.

Bernard Horenbeek Président du Directoire

ÉCONOMIELe bateau Nef sur l’océan de la politique monétaire : pourquoi ça tangue ? ________________________________ p. 3

Le Lab’ess, l’incubateur qui booste l’ESS en Tunisie ! _______ p. 5

La chronique du Comité d’éthique _____________________ p. 5

ACTUALITÉS DE LA NEFDes projets et des prêts ______________________________ p. 6

La Nef fête ses 30 ans à l’aube de son changement d’échelle __________________________________________ p. 7

Une Assemblée Générale dynamique et conviviale _________ p. 8

Retour sur la mobilisation à l’origine de la création de la société financière de la Nef, avec Jean-Pierre Caron ___ p. 9

DOSSIERÉcrivons le futur de la finance éthique _________________ p. 10

SOLUTIONS ALTERNATIVESR-Urban, pour la co-construction de nouveaux modes de vie urbains résilients __________________________________ p. 17

La Nef, un outil engagé au service d’une transition citoyenne et solidaire _______________________________________ p. 18

DÉCOUVERTEÀ lire... Ça commence par moi de Julien Vidal _________________ p. 19

À voir... Nul homme n’est une île de Dominique Marchais ________ p. 19

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Économie

Le bateau Nef sur l’océan de la politique monétaire : pourquoi ça tangue ? La question nous est souvent posée des interconnexions de la Nef avec la politique orchestrée par la Banque Centrale Européenne (BCE). La façon dont elle se pose pour la Nef est singulière puisque notre coopérative formule le projet (fou ?) de renouveler la relation à la matière première traitée par cette politique : l’argent, tout en étant un acteur plongé au cœur du système financier. Une histoire d’attraction et de répulsion !

Regardons de quelle façon nous sommes “encapsulés” dans ce système.

Pierre-Emmanuel Valentin Membre du Directoire de la Nef

La dépendance de la Nef vis-à-vis de la politique de taux de la BCE est forteNos ressources tout d’abord sont encore constituées à hauteur du tiers du passif de notre bilan de tirages auprès du Crédit Coopératif (soit 180 M€), à proportion des dépôts sur les anciens comptes chèques Nef-Crédit Coopératif. Ces tirages sont indexés sur l’Euribor 3 mois, indicateur phare du marché de l’argent entre banques, corrélé à la politique de la BCE. Le niveau négatif de ce taux depuis plus de 3 ans (aujourd’hui – 0,32 %) est plus que compensé par la marge de 0,50 % facturée à la Nef par le Crédit Coopératif (initialement fixée pour compenser le coût de gestion desdits comptes), annulant l’essentiel du gain potentiel de la Nef, tout en nous laissant vulnérables face à la remontée des taux.

Premier paradoxe d’une Nef se prenant à regretter de ne pas pleinement profiter des “opportunités” des marchés !Progressivement, nous allons rembourser ces tirages, avec l’horizon en 2020 de ne plus dépendre que de l’argent confié par les épar-gnants de la coopérative, allant ainsi au bout de notre logique de déterminer avec eux un taux de rémunération, non pas fonction de l’avan-tage comparatif procuré par le rendement de cet argent, mais de la nature de ce qu’il finance.

Et, dans le cadre du projet de nouvelle offre de comptes courants particuliers envisagée, l’objectif est que la Nef puisse accéder aux dépôts figurant sur ces comptes à des conditions indépendantes des taux de marché, par exemple en versant des frais de gestion.

La connexion du côté de l’actif (les crédits et les placements)

est encore plus marquée. La politique de la BCE, donnant accès aux banques à de l’argent à taux négatif en contrepartie d’engagements de croissance de leurs crédits et de mise en garantie d’actifs sûrs, a permis à celles-ci de mettre à disposition de leurs réseaux des enveloppes à taux très bas, parfois nettement inférieures à 1 %. Le plus souvent, ce sont les meilleurs clients ou prospects qui ont été visés, profitant en l’occurrence d’un effet d’aubaine.

La Nef s’est ainsi trouvée en fort désavantage concurrentiel, emportée dans une spirale de baisse incessante de ses barèmes, sans pouvoir lutter à armes égales, n’ayant pas accès à ce dispositif de la BCE en l’absence d’actifs éligibles et n’ayant par ailleurs pas besoin de cet argent en termes de liquidité.

Second paradoxe d’une Nef privée des opportunités de marché ! La Nef a perdu ici beaucoup de financements potentiels, le plus souvent sur les meilleurs dossiers, et beaucoup de revenus d’intérêts au fil des baisses de barèmes, que ce soit sur les nouveaux dossiers réalisés ou du fait des renégociations ou remboursements anticipés sur les dossiers anciens. Et cet effet a été démultiplié par les conséquences sur ses placements interbancaires, majoritaires dans son actif au moment de l’entrée des taux en territoire négatif.

Autrement dit, le principe même de la politique monétaire de la BCE, cherchant à favoriser le financement des entreprises, n’est pas en opposition avec les fondamentaux de notre projet, mais notre situation particulière (nature de nos actifs, marge affectant nos droits de tirage…) nous a laissé très vulnérables face à cette politique. Et observons par ailleurs que la forme de neutralité de la BCE et plus largement du législateur européen quant aux finalités économiques des flux de financements qu’ils sont chargés de réguler, n’en reste pas moins à nos yeux une occasion manquée de peser sur la transition écologique et sociale que nous appelons de nos vœux.

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Économie

Dépendante sur le champ des taux, la Nef n’est-elle pas par ailleurs devenue à son corps défendant une courroie de transmission d’une création monétaire incontrôlée ?

Regardons plus avant le mécanisme de circulation de la monnaie auquel les banques sont associées. Le premier maillon enclenché par la BCE a été de mettre à la disposition des banques des liquidités en contrepartie d’actifs préexistants (des emprunts d’État émis pour financer les déficits publics et des créances privées de première qualité). En conséquence, et en simplifiant, la BCE a fait du recyclage davantage que de la création.

Le second maillon est au niveau des banques.

Qu’en est-il du fameux pouvoir qu’elles détiendraient

de créer de la monnaie d’un trait de plume,

du simple fait de créditer le compte du client

du montant du crédit accordé ?

Cette vision se heurte aux réalités concrètes : l’argent ainsi crédité va ressortir très rapide-ment des comptes de la banque car le client va l’utiliser pour effectuer les dépenses qui l’ont précisément conduit à demander son crédit ! Si la banque n’a pas les ressources équivalentes pour faire face à ces sorties, elle va se retrouver en défaut de liquidité. Autrement dit, la capacité à accorder des crédits ne vaut qu’à concurrence des ressources que la banque collecte par ailleurs, soit auprès de ses clients, soit auprès des autres banques (mais pour prêter à une consœur, ces dernières ont elles-mêmes à se procurer les ressources correspondantes), soit auprès d’investisseurs sur les marchés (mais qui eux-mêmes ont dû se procurer cette ressource).

Il n’y a au bout de la chaîne pas de réelle capacité autonome de la banque à créer ex nihilo de la monnaie. C’est in fine la banque centrale qui est le vrai régulateur de cette capacité, et on a vu qu’elle encadrait strictement la mise à disposition d’enveloppes de liquidité supplémentaires à proportion des actifs pré-existants que les banques étaient en mesure de lui confier. La croissance modérée de l’inflation est là pour confirmer l’absence de création monétaire débridée.

Et donc la Nef, pas plus qu’aucune autre banque européenne, n’est en mesure de générer de la création monétaire hors sol et hors contrôle.

Si “l’encapsulation” de la banque Nef dans la politique monétaire européenne est forte, avec cette redoutable vulnérabilité conjoncturelle en matière de taux, elle ne vient pas réellement en contradiction avec la singularité de notre regard sur l’argent et de notre projet.

Disons plutôt que nous sommes encouragés à faire bouger nos dépendances : dépendre de l’argent confié par nos déposants, et seulement de celui-là, maîtriser le lien entre le coût de cet argent et le taux d’intérêt facturé à l’emprunteur (ouvrant ainsi un espace de liberté à terme pour une circulation d’argent sans taux), donner un regard direct sur l’usage de cet argent et le sens des projets financés, permettre par là aux consciences de chacun de s’approprier leur responsabilité…

Cette éthique de l’argent est possible et compatible avec le système monétaire régulé par la BCE, même si ce dernier ne la favorise guère. Les taux négatifs ne sont pas mauvais en soi par rapport à la vision Nef de l’argent... mais qu’ils cessent serait tout simplement de l’intérêt de la Nef !

POUR SUIVRE L’ACTUALITÉ DE LA NEF, RENDEZ-VOUS SUR www.lanef.com

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Économie

La chronique du Comité d’éthique

Le Comité d’éthique

La Nef, pourquoi ?La Nef a trente ans cette année. Une bonne raison de reformuler sa raison d’être : contribuer au développement d’une économie où chacun prend soin de l’autre.

N’y a-t-il pas une situation de guerre permanente quand chacun considère qu’il doit défendre

lui-même ses propres intérêts ? Peut-il y avoir de la paix et de la prospérité si tous cherchent à tirer le maximum vers eux-mêmes, soit par les avantages économiques mis en jeu à leur profit, soit par le jeu de lobbies pour leurs propres affaires, soit par des alliances syndicales s’ils subissent une situation de domination ?

Est-ce une injonction à devenir un altruiste illuminé et forcément bientôt ruiné ? Non, mais simplement une incitation à penser qu’à chaque échange économique, il faudrait un peu plus d’altruisme que d’égoïsme.

Dans une banque d’économie fraternelle, le premier geste est celui de la sobriété : je ne demande pas le maximum possible en contrepartie d’un dépôt dans une banque. Car je sais bien que quelqu’un va devoir payer pour que mon argent me rapporte.

Le second geste est celui de la conscience de son impact : je veux savoir quelles actions vont être entreprises avec l’argent que je dépose. Au profit de qui ? Pour quelles actions ? Car je sais bien que tout le monde y perd quand l’emporte seule l’avidité.

Le troisième geste est celui de la responsabilité de l’emprunteur : je sais que les liquidités mises à ma disposition proviennent de personnes attentives à mon action et qu’il m’incombe de donner un sens humain et écologique aux réalisations rendues possibles par le prêt.

Le Lab’ess a également un rôle de facilitateur puisqu’il fait en sorte de connecter les différentes parties prenantes (société civile, état et secteur privé) afin de créer des synergies favorables à la (re)connaissance de l’ESS en Tunisie. En mars dernier, le Lab’ess a organisé une conférence sur le thème de la finance solidaire en invitant un panel français composé de la Nef, du Label Finansol, du réseau France active, de l’AFD(1) et de la SIDI(2) ainsi que des établissements tunisiens concernés : Initiatives Tunisie, Taysir Microfinance et l’UBCI (3). Ces expériences ont pu apporter un éclairage et des idées innovantes à la finance solidaire tunisienne aujourd’hui en pleine création.

EN SAVOIR PLUS :www.labess.tn

LabessTunisie

Le Lab’ess, mode d’emploiCréé en 2012 par un collectif d’associations tunisiennes et le Groupe SOS, le Lab’ess est un espace d’innovation sociale dédié au développement des structures de l’ESS. Focalisé sur l’émergence d’entrepreneurs sociaux, le Lab’ess se définit comme une pépinière collaborative visant à créer un lieu favorable pour entreprendre, innover et partager. Convaincu que l’efficacité économique peut être au service de l’intérêt général et du développement, le Lab’ess propose un programme d’incubation de six mois. Après une sélection devant un jury d’experts, les entrepreneurs sociaux du Lab’ess bénéficient d’un programme de formation, d’un accompagnement individuel et d’un networking intensif pour booster leurs projets.

Le but : pérenniser le modèle économique et développer

l’impact #3Zéros !

Vues d’ailleurs

Le Lab’ess, l’incubateur qui booste l’ESS en Tunisie ! Le forum Convergences tunisien, une loi ESS en préparation, la multiplication des acteurs, des bailleurs intéressés… La Tunisie investit le terrain de l’ESS pour un meilleur développement sur son territoire. Dans cet écosystème en évolution, le Lab’ess (Laboratoire de l’économie sociale et solidaire), qui signifie aussi “tout va bien” en arabe, tente un double challenge : former de nouveaux acteurs de l’ESS tout en faisant la promotion d’une économie à fort impact social !

Rachid Abidi Directeur du Lab’ess

(Laboratoire de l’Economie Sociale et Solidaire)

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1- AFD : Agence Française de Développement. 2- SIDI : Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement.3- UBCI : Union Bancaire pour le Commerce et l’Industrie.

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Actualités de la Nef

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Des projets et des prêtsDepuis sa création en 1988, la Nef a accordé près de 6 300 prêts dans les secteurs de l’écologie, du social et du culturel. Derrière chaque projet se cache une histoire, un rêve, mais également des femmes et des hommes passionné.es que la Nef accompagne chaque jour dans la création ou le développement de leur projet. C’est notamment le cas d’Agrosemens, Veja, Éthiquable et Plaine Sud Énergies. Retour sur l’histoire d’emprunteurs qui ont grandi avec la Nef.

Nathalie Pijard Chargée de Communication

Veja 13 rue de la Cerisaie - 75004 Paris www.veja-store.com Création et développement d’une marque équitable de baskets.Veja est née de l’initiative de deux amis voulant créer des baskets qui soient fabriquées avec des matériaux écologiques et dans le respect de l’Homme. Fondée en 2004, Veja devient ainsi la première marque de baskets produites dans une démarche de commerce équitable. Parti de rien et ayant choisi de privilégier le choix des matières premières, l’environnement et les conditions de travail des fabricants de baskets, Veja compte plus de deux millions de paires de baskets vendues depuis sa création. Un succès que la Nef accompagne depuis ses premiers pas.

ÉthiquableAllée du Commerce Équitable 32500 Fleurance www.ethiquable.coopCréation et développement d’un commerce de produits équitables.Éthiquable est une entreprise coopérative, citoyenne et solidaire à l’initiative de trois amis souhaitant lancer un projet en accord avec leurs idéaux : “quelque chose qui ait un sens en plaçant l’Homme et son travail au cœur des valeurs”. Depuis 2003, elle œuvre pour un commerce équitable et engagé et propose à la vente (en ligne ou dans les supermarchés) plus de 150 produits gourmands et équitables issus exclusivement de l’agriculture paysanne bio : café arabica, chocolat, thé, riz, quinoa… en provenance d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie et de France. Une démarche citoyenne et solidaire que la Nef accompagne depuis la création de la SCOP.

5 prêts débloqués par la Nef.

6 prêts débloqués par la Nef.

9 prêts débloqués par la Nef.

Plaine Sud ÉnergiesMaison des Solidarités 51 quai de Juillet - 14000 Caen www.plainesudenergies.blogspot.comCréation et développement d’une société photovoltaïque. La SCIC a pour mission de développer des installations solaires photovoltaïques sur des bâtiments publics de la Communauté de Communes Plaine Sud de Caen, en réunissant citoyens, associations et entreprises aux côtés de la collectivité, pour financer collectivement des systèmes de production d’énergie propre. L’occasion de créer une dynamique locale autour du co-investissement solidaire et d’offrir un projet d’éducation populaire sur les questions énergétiques. La Nef les accompagne depuis leur création en 2012.

3 prêts débloqués par la Nef.

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Agrosemens Z.A. du Verdalaï 105 rue du Chemin de Fer-Peynier 13790 Roussetwww.agrosemens.comDéveloppement d’un semencier indépendant. Structure familiale créée par les deux frères Crosnier Mangeat, la société Agrosemens commercialise depuis maintenant 15 ans des semences exclusivement biologiques à destination des professionnels et des particuliers. Portée par des valeurs fortes et un véritable projet sociétal, Agrosemens a poursuivi son développement en créant une ferme “les Pinchinats”, dédiée à l’élevage de semences 100 % bio de variétés anciennes. Un développement que la Nef cultive à leur côté depuis 2012.

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Actualités de la Nef

Zoom sur…

La Nef fête ses 30 ans à l’aube de son changement d’échelle L’ automne 2018 sera placé sous le signe de la mobilisation citoyenne pour l’amplification du projet de Banque éthique.

Bernard Horenbeek Président du Directoire

Léo Miranda Directeur Marketing

Amandine Albizzati Directrice des Relations Institutionnelles

1988-2018. La Nef fête cette année

ses 30 ans et cet anniversaire

survient à un moment-clé de son projet.

Faisons le point sur l’aventure de la Nef et sur ses perspectives d’avenir.

La Nef réunit aujourd’hui près de 40 000 sociétaires. En 30 ans, elle a financé plus de 6 000 projets porteurs d’une transition écologique et sociale et a consolidé son offre bancaire pierre après pierre, pour répondre aux aspirations de plus en plus fortes du public à disposer d’une Banque éthique en France.Ces deux dernières années, la Nef a connu une croissance significative de son activité sur les deux missions qui forment sa raison d’être : la collecte d’épargne solidaire (+ 65 % en 2016 et + 10 % en 2017) et le crédit aux entreprises à fort impact socio-environnemental (+ 6 % de crédits octroyés en 2016 et + 22 % en 2017).

Les raisons de ce succès ? Les mentalités évoluent. Les crises actuelles font réagir les citoyens. Personne aujourd’hui ne peut ignorer l’urgence climatique et la crise de notre modèle social. De plus en plus nombreux sont les citoyens et les entrepreneurs sociaux qui souhaitent agir. De nouvelles entreprises se créent autour de collectifs citoyens qui veulent transformer leur manière d’être, de travailler, de produire et de consommer. La Nef est le partenaire financier légitime de ce mouvement, issu de la société civile, dont elle fait elle-même partie en tant que coopérative citoyenne et entreprise militante engagée depuis 30 ans.

Forte d’une dynamique commerciale portée par une équipe salariée expérimentée et un sociétariat engagé, la Nef envisage désormais de franchir une nouvelle étape de sa transformation, après le lancement des Livrets d’épargne aux particuliers et associations et des comptes courants pros. Elle souhaite maintenant s’adresser aux centaines de milliers de citoyens désireux de rejoindre une banque plus transparente et solidaire, au quotidien, avec le lancement d’un compte courant 100 % éthique.

Ce lancement, attendu depuis de nombreuses années par des milliers d’épargnants, n’a jamais été aussi proche. Quelles sont les conditions de réussite de ce lancement ? Essentiellement le nombre ! En effet, le contexte réglementaire, d’une part, s’est fortement alourdi et oblige les banques à des investissements en systèmes d’information et forces de contrôle qu’une trop petite structure ne saurait assumer. La Nef doit donc réunir un grand nombre de sociétaires et de

clients pour assumer ces investissements et se donner les moyens de lancer de nouveaux services comme le compte courant. Mais la Nef devra, quoiqu’il arrive, appuyer ce nouveau service sur un partenaire industriel, gestionnaire de flux bancaires. Or, dans ces relations commerciales et institutionnelles, le nombre de clients pèse nécessairement dans la balance. Être nombreux pourrait permettre à la Nef de mettre en œuvre ses innovations et ses spécificités dans des conditions qui respecteraient sa singularité et son éthique.

Et pour cela, pour réunir ces milliers d’épargnants solidaires, la Nef entend organiser à l’automne une campagne historique de mobilisation citoyenne en vue de faire mouvement autour de sa stratégie de développement et d’inviter toutes celles et ceux qui veulent une Banque éthique en France à se manifester. Le message qui sera porté au travers de cette mobilisation sera simple :

Rejoignez la Nef par milliers, rassemblez-vous autour d’elle et déclarez-vous haut et fort

en faveur d’une Banque éthique en France !

Nous vous donnons rendez-vous dès la rentrée pour vous préciser les modalités de participation à cette campagne historique !

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Actualités de la Nef

Le nombre de votant en ligne continue d’augmenter et la participation est en hausse. Le quorum de 20 % a été largement atteint avec une participation de 41,6 % en parts sociales (contre 36,9 % en 2017). Les résultats des votes sont consultables sur le site internet de la Nef, rubrique > VIE COOPÉRATIVE, page > ASSEMBLÉE GÉNÉRALE.

Enfin, le pot de clôture a été l’occasion de trinquer aux 30 ans de notre coopérative.

EN SAVOIR PLUS : www.lanef.com/vie-cooperative/assemblee- generale/

Échos du terrain

Une Assemblée Générale dynamique et convivialeL’ Assemblée Générale a réuni le 26 mai dernier plus de 120 sociétaires, sociétaires actifs bénévoles, membres des Instances et salariés au siège de la Nef à Vaulx-en-Velin. L’occasion de faire le point sur l’activité et les comptes de 2017 mais aussi de répondre aux questions sur les perspectives de la Nef, dans une ambiance bienveillante favorisée par les interventions théâtrales et improvisées de la troupe “les Décatalogués”.

Aurélie Chabeaud Animatrice Vie Coopérative

Cette édition 2018 a été marquée par deux nouveautés : le témoignage de deux emprunteurs Nef (Agrosemens, semencier bio et la revue “Sans

Transition”) pour illustrer la présentation du rapport d’activité et la possibilité d’assister en direct et à distance à l’ Assemblée Générale, via un outil de visioconférence (61 sociétaires ont tenté l’aventure) !

L’ Assemblée Générale a été précédée d’une Assemblée Régionale à Paris et de 30 Assemblées Locales organisées par les sociétaires actifs bénévoles partout en France, permettant ainsi la participation de 250 sociétaires supplémentaires. La veille, 21 sociétaires actifs bénévoles de toute la France se sont réunis en Inter-ACL (Assemblée des Coordinateurs Locaux). À l’issue de cette rencontre, ces derniers ont travaillé à une motion commune, lue le lendemain à l’ Assemblée Générale.

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Actualités de la Nef

Comment s’est déroulé ce tour ? Quel accueil avez-vous reçu ? Qu’est-ce qui a convaincu les futurs sociétaires ?

L’accueil enthousiaste fut surtout dû au talent pédagogique de Jean-Pierre Bideau et à la force et la détermination “charismatique” d’Henri Nouyrit (cofondateurs de l’association). Nous avons été accueillis dans tous les cercles des 12 institutions membres de l’association (écoles à pédagogie alternatives, instituts pour handicapés, associations d’agriculture biodynamique, etc.)… Mais c’est aussi l’appui des partenaires étrangers qui avaient créé des banques, comme GLS, Triodos, mais aussi Merkur (DN), Mercury (GB), Banque Communautaire Libre (S) ou Hermès (AUT), après un congrès spécial en 1987, qui fut déterminant. Plus généralement c’est le Projet-Nef qui a séduit : une banque qui ne prêterait que sur ses dépôts, qui ne rémunérerait à priori pas le capital, favorisant des pratiques “fraternel-les” (au sens de solidaires) telles que des cercles de caution solidaire, qui répartirait ces dernières pour qu’elles ne soient ni lourdes, ni trop “matérielles” (en évitant les hypothèques par exemple). Enfin et surtout une banque sensible aux qualités de l’argent et aux secteurs délaissés par les banques

traditionnelles : à l’époque on prêtait peu aux pauvres (pas assez de garanties “tangibles”), aux créateurs d’entreprises ou de petits commerces (trop risqué !), aux écoles (pas rentables), à la bio (marginale et sans avenir !), ou aux énergies telles que le solaire (écolo et contraire à la doctrine officielle du nucléaire !).

Créée grâce à 650 sociétaires en 1988, la Nef compte aujourd’hui plus de 38 000 sociétaires (pour un capital de 40 M€). Elle octroie 400 prêts par an à des projets pour la société de demain et souhaite une nouvelle fois changer d’échelle, malgré une réglementation très contraignante. Pourquoi, selon vous, le projet Nef est-il aujourd’hui encore si vivant?

Grâce à l’idée forte que “L’argent relie les Hommes” et à la fidélité à ses valeurs.

En 1988, l’association La NEF, née 10 ans plus tôt, a été à l’origine de la création de la société financière de la Nef. Pourquoi cette étape?

En 1984 est parue une “loi bancaire”, stipulant que les prêts ne pouvaient être consentis que par un organisme bancaire. Or, l’association La NEF faisait des prêts à ses membres, utilisant les dépôts des uns pour répondre aux besoins des autres, dans le cadre d’une “recherche-action” pour comprendre la nature de l’argent. Trois possibilités s’offraient à nous : un simple fonds des garanties (laissant l’attribution des prêts à une banque), une société financière (au capital minimum de 7,5 millions de francs) ou une banque “de plein exercice” (fonctionnant aussi avec l’argent à court terme, au capital minimum de 15 millions de francs, ce qui semblait hors de portée de la Nef à cette époque). Bien que cela parut ambitieux, avec nos 300 membres…, nous avons choisi la seconde option, avec un délai strict de 2 ans pour réunir le capital.

Vous avez initié un tour de France pour lever 7,5 M de francs (1,1 M€) de capital. Un pari audacieux.

La parole à…

Retour sur la mobilisation à l’origine de la création de la société financière de la Nef avec Jean-Pierre CaronLa société financière de la Nef célèbre ses 30 ans en 2018 et prévoit, à partir de cet automne, une campagne de mobilisation citoyenne d’envergure autour de son projet de banque éthique et de la nécessité pour la coopérative de changer d’échelle (voir article p. 7 de ce numéro de Fil d’Argent). Une étape dans l’histoire de la société financière, qui n’est pas sans rappeler le défi que s’était lancé ses fondateurs il y a 30 ans.

Amandine Platet Responsable Communication

et Vie Coopérative

Jean-Pierre Caron, Vice-Président du Conseil de Surveillance de la Nef

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Écrivons le futur de la finance éthiqueLa Nef a 30 ans. L’occasion de nous projeter vers les 30 prochaines années : quel futur pour cette finance éthique que nous appelons de nos vœux ? Quelle devrait être la finance dans 30 ans ? Nous donnons ainsi la parole, dans ce dossier central, à une trentaine de personnalités engagées et inspirantes afin de partager nos visions d’un futur désirable et de la place souhaitable de la finance.

Le dossier

numéro 10 I Septembre 2018

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Le dossier

Avant de croiser la route de la Nef il y a plus de vingt ans, il me paraissait totalement impossible d’associer “finance” et “éthique”. J’étais aveuglé par mon éducation et les médias. Je ne concevais l’argent que comme un marqueur social et un trophée récompensant les meilleurs ambassadeurs de l’économie de marché. Et pourtant... L’argent n’a qu’une fonction de vecteur. En effet, la finance peut être au service de la meilleure cause du monde comme de la pire. La Nef m’a ainsi fait comprendre que les notions les plus ancrées en nous ne demandent qu’à être réinventées pour s’inscrire dans une démarche plus vertueuse. Pour cela il faut prendre le temps, celui de s’interroger sur tout ce qui nous entoure et nous lie aux autres et à nous-même. Pouvoir se poser et prendre le temps de réfléchir, c’est ce que je nous souhaite à toutes et à tous pour les années à venir. Il s’agit là de l’étape nécessaire pour lever les préjugés les plus tenaces et se tourner vers un futur plus désirable.

Actuellement, la finance est souvent un ennemi de l’intérêt collectif et du bien commun, alors qu’elle devrait accompagner nos rêves d’un monde plus juste, solidaire et écologique. Parallèlement, les citoyennes et les citoyens se réapproprient aujourd’hui leur pouvoir et expriment leur créativité pour réinventer l’éducation, l’agriculture, l’habitat… Dans la finance aussi, le financement participatif, les coopératives citoyennes de financement, des banques éthiques… permettent déjà de redonner du sens à la finance. Dans 30 ans, ces outils auront fleuri, se seront structurés en réseau et le paysage de la finance sera fortement renouvelé. Notre épargne sera entre les mains de toute une panoplie de nouveaux outils démocratiques.

L’éthique ne trouve pas sa place dans l’équation économique. Pourquoi une multinationale irait améliorer les conditions de travail de ses sous-traitants à des dizaines de milliers de kilomètres si ses produits continuent de se vendre avec la magie du marketing ? Sans éthique, l’économie est aujourd’hui un paquebot sans gouvernail, qui flotte au gré des flux financiers et du vent des actionnaires. Nous, consommateurs, sommes le gouvernail. La logique économique suit simplement les souhaits et les exigences des consommateurs. Prenons à cœur notre rôle de capitaine, je suis convaincu que les consom’acteurs et les consom’actrices joueront un rôle de plus en plus central et décisif pour rendre la finance de demain plus éthique et humaine.

Dans ce bruit assourdissant qu’est devenu notre société de marché, il y a la musique de l’intelligence d’actrices.teurs locaux, qui collectivement réinventent en pratique et en théorie un présent désirable. C’est tout à fait étonnant. Les Jardins de Cocagne sont portés aujourd’hui par cette évidence qu’une transition écologique doit être surtout sociale. Ils proposent une économie solidaire faite d’agencements marchands et non-marchands entre pouvoirs publics, professionnels et associations. Des paniers pour les adhérents, des services pour la filière bio locale au profit de missions d’insertion professionnelle et d’animation sociale dans les territoires prioritaires. Et ça marche.Demain, la finance éthique sera celle qui saura soutenir l’émergence de ces projets générateurs d’une autre économie, interrogeant les mécanismes du marché et pas seulement en substitution ou imitation de ceux-ci. Cela passera certainement par le financement de l’immatériel, celui d’une ingénierie de temps long où les acteurs associatifs auraient à la fois les moyens de “palper” l’intérêt général et d’en déterminer les conditions de mise en œuvre négociées avec la sphère publique et les entreprises privées.

Levent AcarCofondateur de I-BOYCOTT

Julien AddaDirecteur du réseau COCAGNE

Mathieu Labonne

Directeur / 1er lien de COLIBRIS

Jean-Benoît S. Robert

Cofondateur du SMMMILE FESTIVAL

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Le dossier

La finance démocratique est un fait porteur d’avenir.Le capitalisme vit une canicule financière. Des sommes prodigieuses tournent en rond au-dessus de nos têtes, à une vitesse vertigineuse. Cette frénésie de spéculation à court terme se terminera, comme la canicule, par de gros orages bruyants et meurtriers, dont la crise de Wall Street en 2008 a été un premier exemple. Aux antipodes de cette finance oligarchique grandit une finance démocratique et solidaire dont de beaux exemples sont la Nef et France Active qui, l’une et l’autre, fêtent leur trentième anniversaire en 2018.Démocratique, cette finance mobilise l’épargne et le travail des citoyens pour satisfaire les besoins proches et urgents d’emplois, de culture, de services de proximité et, à horizon plus lointain, pour permettre que nos enfants et petits-enfants vivent dans un monde viable où la nourriture sera saine (Biocoop), l’agriculture humaine (Terre de Liens) et l’énergie renouvelable (Enercoop).Solidaire, cette finance crée des circuits courts entre des épargnants qui cherchent l’humanisme plutôt que le rendement et des entrepreneurs engagés qui, de plus en plus nombreux, jouent l’innovation sociale tout en se comportant en vrais professionnels sur les marchés. Que donnera ce mouvement dans trente ans ? Ce n’est pas encore une tendance lourde mais, clairement, un fait porteur d’avenir. Tant de jeunes, convaincus que le capitalisme est injuste et instable et que la Terre est dans une impasse écologique dramatique, s’activeront pour une autre économie.

Sur le plan écologique, le système financier actuel est un des principaux agents destructeurs d’un futur désirable. Avec son obsession de croissance et de profit, la finance mondialisée ruine tout espoir de réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement et le climat.Nous l’expérimentons directement avec Reporterre, il n’est pas aisé d’intéresser sur les sujets liés à la finance. C’est technique, c’est froid, c’est numérique. Mais c’est essentiel, car la finance est au cœur du fonctionnement de ce système destructeur. Nous nous devons d’informer sur la finance éthique, les monnaies complémentaires, les “blockchains”, le désinvestissement de la finance carbone, les faucheurs de chaises, et sur toutes les solutions qui permettront aux citoyens de reprendre le contrôle de la finance.

Nous avons maintenant une idée claire de la transition agricole et alimentaire dont l’humanité et la planète ont besoin. Des pionniers sont partout à l’œuvre. Leurs chemins sont divers mais ils partagent une même boussole qui pointe, d’une part, une avancée vers des pratiques agro-écologiques, d’autre part, une reterritorialisation du système et des circuits alimentaires. Ces pionniers construisent le socle sur lequel les politiques publiques pourront faire basculer le logiciel qui a construit le système alimentaire dont nous voyons aujourd’hui les limites et, surtout, les défaillances. Ces pionniers ont besoin, et cela nous concerne tous, d’une épargne et d’une finance solidaire. La Nef est à leurs côtés depuis 30 ans. Mais aujourd’hui, au-delà de ses moyens propres, elle doit pouvoir montrer aux plus éclairés des acteurs financiers les nouveaux acteurs et les nouveaux chemins de la transition agricole et alimentaire.

Henri Rouillé d’Orfeuil

Ingénieur agronome et docteur en économie

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Hervé Kempf REPORTERRE

Christian Sautter

Président de FRANCE ACTIVE

En tant que représentant de Générations Futures à Lyon, mon avenir désiré est un monde sans pesticide ni polluant chimique, notamment perturbateur endocrinien… Ce monde verrait se développer une agriculture durable apte à nourrir les citoyens en circuit court et protéger la biodiversité… Il n’exclut pas les avancées technologiques, sous réserve de leur innocuité pour la santé publique. Ces orientations ne peuvent se réaliser sans l’émergence d’une “spiritualité laïque” seule capable d’orienter les citoyens vers un monde plus solidaire, forcément plus sobre mais plus heureux. Les activités financières devront s’inclure dans cette spiritualité en se mettant au service des besoins des citoyens notamment des créateurs qui pourront compter sur la Nef pour soutenir leur projets.

Dans 30 ans, la finance sera davantage segmentée. La finance de marché internationale restera dominante, mais les crises à répétition qu’elle aura provoquées auront renforcé le poids d’une finance de proximité au service de l’économie réelle et transparente sur l’origine de ses ressources et emplois.L’Union Européenne en particulier aura défini un cadre réglementaire plus souple pour les banques et les investisseurs, ne faisant courir aucun risque systémique. Des banques locales et régionales détenues collectivement collecteront l’épargne de proximité et financeront en circuit court des projets contribuant à l’inclusion sociale et au développement durable. Elles fonctionneront selon un modèle inspiré des plateformes de financement participatif, où l’épargnant affectera son épargne au financement de projets sélectionnés en fonction de leur impact social et environnemental.

Frédéric TiberghienPrésident de FINANSOL©

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Jean-Paul Briotet GÉNÉRATIONS FUTURES LYON

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Le dossier

Nous vivons dans un monde extrêmement complexe, obsédé par la croissance… mais c’est bien cette croissance qui tue notre planète. On ne pourra pas arrêter cette machine par une révolution économique, scientifique ou politique… il faut changer l’Homme, il faut que l’Homme puisse mener une révolution “spirituelle”. Cela peut paraître naïf ou ringard, mais je crois profondément que seules des valeurs essentielles telles que la gentillesse, la compassion, l’empathie, l’honnêteté, mais aussi l’éthique et la morale, pourront sauver l’Homme dans son évolution. Il faut que ces valeurs investissent le quotidien de chacun, même s’il n’est pas facile de renoncer à nos habitudes de consommation et à notre confort, pas facile d’aller ainsi à l’encontre de cette “marche forcée” vers un monde que l’on pense meilleur, mais qui nous mène à notre perte. Et c’est sans doute d’autant plus difficile dans le secteur financier où aujourd’hui 95 % des flux ne “servent à rien”, ne financent pas l’économie réelle.On ne peut pas laisser aux ONG le soin de prendre soin de la Terre. Chacun doit faire sa part, à sa façon, à son échelle… les grandes entreprises bien sûr ont un rôle à jouer, mais sans l’action citoyenne, nous n’y parviendrons pas.Engagé depuis l’âge de 20 ans dans l’écologie, je considère qu’il est trop tard pour être pessimiste. Les résultats sont là. Il faut passer à l’action : “have less to be more” ou “vivre mieux avec moins”, voilà ce vers quoi nous devons aller, en gardant la vision d’une écologie humaniste, pleine d’amour pour l’autre.

La finance démocratique est un fait porteur d’avenir.Le capitalisme vit une canicule financière. Des sommes prodigieuses tournent en rond au-dessus de nos têtes, à une vitesse vertigineuse. Cette frénésie de spéculation à court terme se terminera, comme la canicule, par de gros orages bruyants et meurtriers, dont la crise de Wall Street en 2008 a été un premier exemple. Aux antipodes de cette finance oligarchique grandit une finance démocratique et solidaire dont de beaux exemples sont la Nef et France Active qui, l’une et l’autre, fêtent leur trentième anniversaire en 2018.Démocratique, cette finance mobilise l’épargne et le travail des citoyens pour satisfaire les besoins proches et urgents d’emplois, de culture, de services de proximité et, à horizon plus lointain, pour permettre que nos enfants et petits-enfants vivent dans un monde viable où la nourriture sera saine (Biocoop), l’agriculture humaine (Terre de Liens) et l’énergie renouvelable (Enercoop).Solidaire, cette finance crée des circuits courts entre des épargnants qui cherchent l’humanisme plutôt que le rendement et des entrepreneurs engagés qui, de plus en plus nombreux, jouent l’innovation sociale tout en se comportant en vrais professionnels sur les marchés. Que donnera ce mouvement dans trente ans ? Ce n’est pas encore une tendance lourde mais, clairement, un fait porteur d’avenir. Tant de jeunes, convaincus que le capitalisme est injuste et instable et que la Terre est dans une impasse écologique dramatique, s’activeront pour une autre économie.

Sur le plan écologique, le système financier actuel est un des principaux agents destructeurs d’un futur désirable. Avec son obsession de croissance et de profit, la finance mondialisée ruine tout espoir de réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement et le climat.Nous l’expérimentons directement avec Reporterre, il n’est pas aisé d’intéresser sur les sujets liés à la finance. C’est technique, c’est froid, c’est numérique. Mais c’est essentiel, car la finance est au cœur du fonctionnement de ce système destructeur. Nous nous devons d’informer sur la finance éthique, les monnaies complémentaires, les “blockchains”, le désinvestissement de la finance carbone, les faucheurs de chaises, et sur toutes les solutions qui permettront aux citoyens de reprendre le contrôle de la finance.

On fait (trop souvent) aux journalistes le mauvais procès de ne se faire l’écho que de tristes nouvelles. Dans mon métier, j’ai la chance de parler surtout de belles initiatives, comme celles qui sont soutenues depuis 30 ans par la Nef. De celle-ci, je pense que j’ai entendu parler pour la première fois à l’occasion de Passerelles, l’émission de radio hebdomadaire sur la finance solidaire, à laquelle je participais. La banque n’avait pas dix ans, mais avançait déjà vite. En me spécialisant dans l’économie sociale et solidaire, j’ai croisé plusieurs fois sa route et je lui ai bien sûr consacré un chapitre, en écrivant L’épargne solidaire pour les nuls ! Mais ne soyons pas naïfs, si la Nef aide de beaux projets, c’est parce qu’ils apportent des solutions nécessaires et inédites à de graves crises : crises du climat, de la santé, de la malbouffe, du travail et du vivre ensemble. Malgré tout, conservons le curseur du côté des bonnes nouvelles…

Yann Arthus-Bertrand

Photographe, reporter,

réalisateur et écologiste

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Eric Larpin Journaliste

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Le dossier

Fondateurs et membres actifs de la FEBEA, la Nef et Crédal ont pu échanger sur leurs pratiques et faire le plein d’idées nouvelles. Aujourd’hui, si Crédal est un peu plus “vieille” que la Nef (nous avons fêté nos 30 ans en 2014), celle-ci nous a largement dépassé en taille et le processus de bancarisation de la Nef continuera d’accentuer nos différences d’activités. Pourtant, les fondamentaux qui nous unissent restent les mêmes : l’argent, outil de développement qui doit être mis au service de la collectivité, et particulièrement des plus vulnérables d’entre nous. Les chemins empruntés par nos deux institutions pour l’avenir sont différents (en Belgique, l’obtention d’un agrément bancaire relève de l’impossible). Ils sont la preuve que les manières d’envisager un système financier éthique sont multiples. N’est-ce pas rassurant, dans un monde où tout tend à s’uniformiser ? À Crédal, nous faisons le pari que nous pouvons augmenter notre impact en renforçant notre identité coopérative et en innovant dans une offre de produits au plus proche des besoins de nos clients. Des chemins différents, mais complémentaires, visant une finalité commune.Grâce à l’arrivée de Bernard à la direction de la Nef, l’amitié et les liens qui unissent nos deux organisations se sont renforcés. Gageons qu’à l’avenir ils se traduisent par la réalisation de beaux partenariats et projets communs.

Finance et éthique : ces deux concepts semblent avoir des difficultés à cohabiter, c’est malgré tout un succès pour la Nef en France. Pour imaginer les 30 ans à venir, je vois deux pistes de réflexions :• La finance de la Bio et des transitions comme fil rouge des modèles économiques choisis. • Choisir une nouvelle unité monétaire pour conduire les transitions en toute indépendance.

Privilégier d’autres monnaies (comme les monnaies complémentaires), pour une nouvelle liberté, pour une vraie répartition de la richesse et pour que la monnaie retrouve son sens originel : développer l’économie réelle, l’économie de besoin des humains dans un esprit de coopération et de solidarité.

Une vision pour la Nef : la banque des monnaies dédiées aux économies réelles des transitions, de la solidarité, de l’écologie, de la biodiversité, de la gestion des biens communs de l’humanité. Un nouveau souffle pour accompagner les changements de mode de vie prometteur d’un autre avenir pour l’Humain et sa Terre.

La transition écologique et sociale est l’enjeu principal des prochaines décennies. La finance actuelle, dominée par les rendements financiers à court terme, est inadaptée. Les autorités ont décidé d’agir, comme l’illustre le récent plan d’action pour la finance soutenable de la Commission européenne. Les mesures proposées, telles que le développement des green bonds, sont insuffisantes. Le mouvement citoyen se bat pour une transformation radicale du système financier en fonction de trois critères : démocratie, avec des acteurs financiers gouvernés par les parties prenantes ; proximité, avec une place importante donnée aux acteurs financiers locaux pour soutenir les initiatives ; transparence de la gestion au profit de l’intérêt général, et non des actionnaires. Une nouvelle loi bancaire, donnant la priorité à la banque détail, est une étape décisive vers la finance que nous voulons.

Dominique PlihonPorte-parole d’ATTAC FRANCE

En 2048 régnera peut-être le chaos social et climatique ; dans la panique surgiront des régimes autoritaires et pas forcément écolos. Sauf si… on ne pourra sauver les écosystèmes et la démocratie que si les décisions d’investissement sont prises en commun par les personnes concernées, et non plus par les seuls propriétaires des capitaux. Des banques d’investissement, sectorielles et/ou régionales, seront financées par une taxe sur la valeur ajoutée des entreprises. Un plan national allouera les montants dégagés entre secteurs et régions pour favoriser la cohésion et la transition. Les banques, cogérées par les représentants des entreprises, des travailleurs, des usagers, des élus locaux et des associations, attribueront les financements en fonction de critères d’ordre financier, écologique et social. La finance deviendra ainsi un bien commun !

Thomas CoutrotÉconomiste, membre des ÉCONOMISTES ATTERRÉS

Isabelle Philippe

Directrice Générale de CRÉDAL

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Claude GruffatPrésident de Biocoop

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Le dossier

Le 15 septembre 2018 marquera les 10 ans de la faillite de Lehman Brothers, le point de bascule lorsque la crise financière a plongé l’économie mondiale dans la récession. Malgré les promesses des gouvernements de réglementer les banques ou de mettre un terme à l’évasion fiscale, aucun des problèmes fondamentaux du secteur financier n’a été réglé et le spectre d’une nouvelle crise financière majeure refait surface. L’accord de Bâle III et les législations qui en sont issues se focalisent étroitement sur les règles prudentielles sans s’attaquer au cœur du problème. Mal adapté aux besoins vitaux de nos sociétés, dérégulé, le système financier représente une menace pour notre avenir collectif, tant du point de vue de sa stabilité, de nos emplois et des services publics, que de la préservation de la planète et du financement de la transition écologique. La financiarisation extrême des multinationales pétrolières et gazières, pour ne prendre qu’un exemple, est une entrave manifeste à la possibilité de contenir le réchauffement climatique en deçà de 2 ° C. Quant aux promesses des promoteurs d’un“verdissement de la finance”, elles paraissent dérisoires : en 2016, chaque fois que l’économie mondiale a investi un dollar dans les énergies renouvelables, trois dollars l’ont été dans les énergies fossiles. Nous souhaitons nous emparer des 10 ans de la chute de Lehman Brothers pour initier un vaste processus afin de reprendre la main sur la finance et dessiner un monde “zéro finance nocive, zéro évasion fiscale, zéro fossile”. Pour y arriver nous devons amplifier les campagnes de désinvestissement afin que notre argent ne serve plus à financer les industries extractives et utiliser les leviers politiques, économiques et financiers, qu’ils soient déjà disponibles ou qu’il faille les inventer, afin d’accélérer sans attendre la transition écologique et sociale.

Florent Compain

Président des AMIS

DE LA TERRE FRANCE

La banque traditionnelle finance le risque et le patrimoine. L’activité pionnière des banques éthiques a servi de terreau pendant 30 ans à acculturer les banques généralistes et les marchés financiers sur le financement de l’économie verte, sociale et solidaire. La France doit son leadership sur la finance climat ou l’ISR à l’action de ces banques expertes comme la Nef. La finance ne changera que si son socle de règles et de valeurs change, pour redevenir un outil et non plus un objectif. La période “pionnière” n’est pas encore terminée. Dans les 30 ans à venir, il sera vital de ne plus décorréler l’argent de la Nature et du progrès social. Une finance à impact sociétal efficace, devra être au plus près des territoires et positionner la banque locale, indépendante et éthique comme socle de l’économie responsable. Ce sera le rôle de FNE d’aider la Nef à porter ces valeurs au plus haut niveau.

Michel DubromelFRANCE NATURE ENVIRONNEMENT

Mettre fin au gaspillage effréné de nos ressources, d’ici 2050 : oui, c’est possible. Nous pouvons refermer cette parenthèse de surconsommation, à condition d’en rechercher les causes profondes. Un horizon zéro déchet, zéro gaspillage ne peut être atteint par une approche purement technique (écoconception, meilleure gestion des flux, etc.) même si des progrès de cet ordre sont indispensables. Sans désamorcer les sources économiques et politiques du gaspillage, nous ne ferons que déplacer le problème. La finance peut aider à ce questionnement : dans les 30 prochaines années, elle pourrait devenir l’instrument du débat sur le modèle de production, distribution et consommation que nous souhaitons, collectivement, construire.

La financiarisation a déna-turé, opacifié, complexifié la finance et l’a déconnectée de la réalité économique quoti-dienne des citoyens tout en ne se préoccupant pas de ses impacts. Ceci étant, les outils financiers sont un véri-table levier en faveur d’une économie durable, sociale et humaine. Pour restaurer la confiance et assainir le sys-tème financier, il faut que les citoyens s’approprient ses mécanismes et puissent être acteurs de leur épargne et choisir ses impacts. Ce futur désirable ne se fera pas sans transparence, sans la pédagogie nécessaire à la bonne compréhension de l’économie et sans les outils qui rendront accessible cette finance responsable et soli-daire au plus grand nombre.

Eva Sadoun

CEO cofounder LITA.CO

Flore Berlinguen Directrice de ZERO WASTE FRANCE

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Le dossier

Il n’y a aura pas de réussite contre le dérèglement climatique si la finance n’évolue pas. Ces dernières années, la finance a réalisé qu’elle avait un rôle majeur à jouer pour aligner nos économies et nos sociétés avec l’Accord de Paris, et a initié de premières actions en ce sens. Green bonds, portefeuilles 2 ° C, prise d’engagements, coalitions d’acteurs, fonds innovants pour restaurer les terres agricoles dégradées de façon à diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées à la déforestation, sont autant de briques importantes pour initier la dynamique.Dans 30 ans, cette phase de transition durant laquelle trop d’acteurs cherchent encore leurs marques semblera bien loin, et mener des opérations incompatibles avec l’Accord de Paris ne sera plus une option, car les acteurs financiers auront l’obligation de prendre en compte le climat dans leurs activités quotidiennes.

Ayant participé avec la Nef et Jacky Blanc dans le début du vingtième siècle aux initiatives de “Global Ethique”, d’une Banque Éthique Européenne et bien sûr la création de Terre de Liens, je continue de travailler à réunir les acteurs de bonne volonté, bien conscient que la volonté seule ne suffit pas pour créer un vrai rapport de force.Nous étions sur le bon chemin, mais les barrières existaient et existent, qui empêchent l’économie sociale et solidaire de s’épandre et prendre sa place. Une place qu’elle pourrait avoir si nous considérons tous nos principes, nos valeurs, nos spécificités, nos originalités, nos réseaux, nos structures avec une certaine ironie et du scepticisme, ce qui nous permettrait de douter, d’écouter et de nous ouvrir à l’autre et de savoir faire des compromis. Ce qui nous permettrait de mettre de côté notre ego et de nous faire sortir de notre individualisme. Partout des superbes exemples existent et fleurissent, des initiatives pleines de générosité, des coopératives vraiment coopératives, comme la Nef. Ces signes d’altruisme ne sont hélas pas encore assez visibles et somnolent dans nos sociétés. Des petits cours d’eau ruissellent partout. C’est pour quand le fleuve ?

Wartena Sjoerd

TERRE DE LIENS

Marie Christine Korniloff Responsable

des partenariats de WWF

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Durabilité, ce mot nous projette dans le futur, mais nous devons nous rappeler que notre monde actuel n’est plus durable… Dans 30 ans, la finance éthique sera là, parce que nous nous devons d’être là : un écosystème varié, composé de différents projets, jouant un rôle d'intermédiation financière pour le développement d’une société plus durable et plus accueillante. Proche des réalités locales, parce que c’est là que les choses se passent ; collaborant pour changer le logique de l’homo economicus ; utilisant les nouvelles technologies avec bon sens ; différents projets qui créeront des réseaux dont la force ne reposera pas seulement sur les croissances individuelles, mais sur la création de partenariats plus poussés entre leurs membres.

Pedro M. SasiaPrésident de la FEBEA (Fédération Européenne des Banques Éthiques et Alternatives)

Refaire société ensemble.Nous arrivons au bout des énergies fossiles, les progrès de la médecine sont contrariés par les difficultés croissantes d’accès aux soins, le chômage sape notre contrat social, la pauvreté s’est installée durablement en même temps que les fortunes explosent et que les états ont des niveaux d’endettement qui amoindrissent leur capacité d’agir. Nous faisons tous ces constats et il nous faut aujourd’hui faire en sorte que nos capacités d’indignation ne deviennent pas de la résignation du repli sur soi. Il nous faut prendre conscience que nous pouvons, nous devons même, être acteur de nos vies. Il nous faut s’emparer ensemble de notre quotidien, de notre travail, de notre consommation, de nos entreprises. Notre passivité encourage, nourrit la fracture sociétale. Le développement durable n’est pas une option mais une obligation pour que nous puissions continuer à imaginer vivre ensemble dans une société apaisée. À nous tous de nous emparer de notre économie, de notre finance. Pour qu’enfin, l’argent relie les Hommes.

Christophe Chevalier PDG du Groupe ARCHER

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Solutions alternatives

La stratégie R-Urban est devenue actuelle-ment une référence pour des chercheurs, municipalités, promoteurs, professionnels, associations et porteurs de projet qui veulent agir à échelle locale, de manière concrète et rapide, contre les crises globales qui menacent notre société.

À cause d’un changement de municipalité à Colombes, les deux premières unités ont été déconstruites et reconstruites (l’Agrocité à Gennevilliers et le Recyclab bientôt à Nanterre). Des nouvelles unités R-Urban seront construites prochainement et le réseau continue à se développer en Île-de-France et dans d’autres villes européennes. Afin de répondre à cette nécessité de déployer la stratégie de transition écologique citoyenne à plus grande échelle, nous avons lancé à la COP21 une Charte R-Urban, afin de créer des opportunités pour que des nouveaux porteurs de projet et de nouvelles unités émergent.Nous avons un temps limité pour changer de manière résiliente nos modes de vie et nous devons tous nous impliquer pour réussir ; apportez vos compétences et votre énergie !

EN SAVOIR PLUS :www.r-urban.net

L’initiative

R-Urban,pour la co-construction de nouveaux modes de vie urbains résilientsAujourd’hui, c’est la première fois dans l’histoire que les activités intenses et quotidiennes de la société humaine (transport, industrie, agriculture, production énergétique, etc.) risquent de rendre brusquement la planète inhospitalière ! Et les modes de vie urbains ont une responsabilité accrue dans cette situation. C’est pourquoi la stratégie R-Urban exprime une volonté de faire émerger la résilience dans les milieux urbains, là où la plupart d’entre nous vivons.

Constantin Petcou Architecte aaa (atelier d’architecture autogérée),

responsable du projet R-Urban

Nous avons initié R-Urban en 2008 en explorant les possibilités d’impliquer les habitants dans la co-construction de nouveaux

modes de vie urbains résilients. Cette stratégie est basée sur la mise en réseau de programmes urbains différents (habitat, économie, agriculture urbaine, transport…) pour être en mesure de changer les modes de vie actuels dans leur ensemble. En 2012, R-Urban a réalisé les trois premières unités de résilience urbaine à Colombes : Agrocité (micro-ferme d’agriculture urbaine et de pédagogie environnementale), AnimaLab (unité dédiée à l’apiculture, poulailler, compost avec vers de terre) et Recyclab (unité d’économie sociale et solidaire dédiée au recyclage des déchets urbains, à l’écodesign et l’écoconstruction). En proposant la réalisation de différentes unités R-Urban, nous visons la mise en place de lieux et outils à l’échelle de proximité pour

rendre possible l’investissement large des citoyens dans une démarche écologique quotidienne. En effet, nous constatons que les habitants de chaque ville sont de plus en plus préoccupés par le futur de la planète, mais ils ne trouvent pas suffisamment d’opportunités à leur échelle pour s’investir et co-construire une société écologique. Les unités R-Urban contribuent à réaliser des circuits courts de manière physique et sensible, constituant l’infrastructure d’une transition écologique ancrée socialement. Les processus de gouvernance démocratique mis en place pour gérer chacune des unités réalisées ont des résultats sociaux visibles et partageables. R-Urban propose une transition écologique conviviale fondée sur une gouvernance collective et sur des principes de biens communs (partage, valorisation, protection, dissémination).

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Agrocité, micro-ferme citoyenne d’agriculture urbaine à Colombes, 2013

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Reconstruction de l’Agrocité à Gennevilliers, 2018

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numéro 10 I Septembre 201818

La Nef est à l’initiative du Collectif pour une Transition Citoyenne, qui organise l’incontournable Fête des Possibles,

cette année du 15 au 30 septembre, visant à mettre en lumière le plus grand nombre d’événements citoyens qui donnent les clés pour agir autrement. Plus de 1 500 événements sont attendus partout en France pour consommer, s’engager, agir simplement et à son échelle.C’est également aux côtés d’Alternatiba que la Nef se mobilise pour une prise de conscience de l’urgence d’agir pour le climat par une transition et une sobriété énergétique. La Nef est ainsi partenaire du Tour Alternatiba 2018 et a soutenu une campagne de mobilisation citoyenne sur Zeste.coop.

De plus, salariés et bénévoles ont été et seront présents sur de nombreuses étapes, jusqu'au 6 octobre pour y présenter les actions de la coopérative. La Nef a notamment ouvert les portes de son siège de Vaulx-en-Velin le 27 août dernier pour une étape “spéciale finance éthique”, car on peut épargner le climat en épargnant à la Nef !

La Nef a à cœur de témoigner, partager et co-construire son modèle de banque citoyenne, puisse-t-il inspirer le plus grand nombre pour penser une économie solidaire et coopérative. Lors de l’Université d’été solidaire rebelle et citoyenne de Grenoble en août dernier, elle a pris le pupitre pour un Module “Quelle finance voulons-nous ?” aux côtés d’ATTAC et de Finansol.

Le mois de novembre est enfin un temps fort pour la Nef. Pendant ce mois dédié à l’Économie Sociale et Solidaire, nous sommes heureux de rejoindre, pour la première année, le Festival des Solidarités, mettant ainsi en lumière la solidarité locale et le lien sur les territoires à travers le modèle de notre banque éthique, citoyenne, transparente.

Du 5 au 12 novembre, la Nef prend également part à la Semaine de la Finance Solidaire, initiative de Finansol, association des professionnels de la finance solidaire, également à l’origine du label qui certifie l’ensemble des produits d’épargne Nef.L’occasion cette année pour la Nef de multiplier les rencontres sur les territoires, mais également de célébrer ses 30 ans, tournant le regard vers l’avenir, celui de la banque éthique de demain pour laquelle nous œuvrons tous.

Sociétaires, lecteur.rice.s, nous serons heureux de vous retrouver sur les routes de la transition !

EN SAVOIR PLUSwww.fete-des-possibles.orgwww.tour.alternatiba.euwww.festivaldessolidarites.orgwww.ue2018.orgwww.finansol.org

Solutions alternatives

En route vers la Transition

La Nef, un outil engagé au service d’une transition citoyenne et solidaire

Anne-Charlotte Pesce Responsable des Partenariats

Par son activité, notre coopérative a un message à passer : il est possible pour chacun d’agir au quotidien pour construire le monde tel que nous le voulons, plus respectueux de l’Homme et de son environnement. Elle offre aux citoyens le moyen d’agir simplement en plaçant leur argent de façon transparente pour favoriser l’émergence de projets à plus-value sociale, environnementale ou culturelle sur les territoires. Ce message d’agir concrètement au quotidien, c’est au côté des acteurs de la société civile que la Nef le porte tout au long de l’année, afin de faire masse pour que les alternatives deviennent la norme.

Page 19: LE DOSSIER Écrivons le futur de la finance...pour que l’argent relie les hommes Ce numéro est aussi téléchargeable sur le site : Le magazine coopératif de la Nef Septembre 2018

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Découverte

Avec une plongée à Sienne dans la fresque du Bon et du Mauvais gouver-nement peinte magnifiquement par

Lorenzetti, le film pose, de manière à la fois fine et distanciée, la question de la recherche du bien commun, qu’il explore ensuite à travers le croisement de trois lieux et de trois communautés locales, surprenantes par leur humanité tout autant que par leur rationalité.

Les paysages et les cultures parcourus sont fort différents. D’abord, Catane, en Sicile, où les agriculteurs et bénéficiaires de la coopérative Le Galline Felici (“les poules heureuses”) débattent du bon développement de leurs circuits-courts bios et équitables. Ensuite, les Grisons, en Suisse, où l’architecte et enseignant Gion Caminada contribue à

À lire…

Ça commence par moi de Julien VidalEt si, dans notre quotidien, nous avions déjà toutes les solutions pour changer le monde ? C’est la question à laquelle Julien Vidal tente de répondre.

Nathalie Pijard Chargée de Communication

Par-dessus tout, il aborde le sujet d’une manière optimiste et bienveillante et montre qu’il s’est lancé dans cette démarche avant tout pour être heureux. Un témoignage inspirant qui donne envie d’agir et nous donne des solutions simples (et économiques) pour changer le monde. Et vous, êtes-vous prêt pour le changement ?

À voir…

Nul homme n’est une îleUne jolie entrée en matière pour ce troisième long métrage documentaire de Dominique Marchais, qui n’est pas sans rappeler le travail de Marie-Monique Robin et son témoignage de l’expérience alsacienne de Ungersheim dans Qu’est-ce qu’on attend ?

Amandine Albizzati Directrice des Relations

Institutionnelles

freiner le dépeuplement du village de Vrin en réinvestissant les matériaux et les savoir-faire locaux dans l’habitat. Enfin, le cas étonnant du Vorarlberg, en Autriche occidentale, où l’usage étendu de la démocratie participative et certaines organisations publiques innovantes (comme ce “bureau des questions du futur”) sont parvenus à intégrer un urbanisme moderne à la beauté des paysages montagneux.L’échelle locale ressort partout comme une clé, un espace où l’intelligence collective devient possible. Et à observer ces femmes et ces hommes, on se demande comment ces expériences exemplaires ne trouvent pas plus d’échos dans notre société. Le cinéma peut sans doute aider à cela. Il deviendrait alors un bel amplificateur du “penser global, agir local”.

À l’heure où nous parlons de transition et de transformation de notre société, Julien Vidal a choisi d’agir et de nous

montrer que chacun, à son échelle, peut devenir acteur du changement. Il s’est ainsi lancé le défi de construire un monde meilleur en adoptant des actions écocitoyennes tous les jours pendant un an. Il crée alors son site cacommenceparmoi.org où il répertorie 365 actions testées, simples à réaliser et donc à la portée de tous. L’auteur nous raconte ainsi dans ce livre son parcours au pays de l’utopie écologique, en nous faisant part de ses victoires et de ses échecs, en toute transparence.

Disponible en librairie le 6 septembre 2018.

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La Société financière de la Nef est une société anonyme coopérative à capital variable, à directoire et conseil de surveillance, agréée par la Banque de France. RC Lyon B 339 799 116 • NAF 6492 Z • ORIAS 09050786 • Siège social : Immeuble Woopa – 8 avenue des Canuts – CS60032 69517 Vaulx-en-Velin Cedex • Crédit Photo : N. Robin. Hand by Adrien Coquet from the Noun Project.

Prêt N° 5092Sébastien GometRaaka Architecture, architectes engagésLyon (69)

J’épargne éthique en quelques-clics

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ET MON ARGENT EST UTILE À DES PROJETS À IMPACTS POSITIFS COMME CELUI DE SÉBASTIEN.

Le label Finansol garantit la solidarité et la transparence de tous les produits d’épargne de la Nef ainsi que de ses parts sociales.www.finansol.org

Faites le choix de la finance éthique !

La Nef propose des solutions d’épargne éthiques et solidaires à tous ceux qui souhaitent mettre leur argent au service de projets à plus-value écologique, sociale et/ou culturelle.

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