Cartographie de François Place, Photo Elodie Fritsch, 5 décembre 2013

Compte rendu réalisé par Antonelli Cati, Boledovic Marion, Fritsch Elodie

Etudiantes en Master Enseignement Education Formation (Parcours documentaliste)

ESPE Université d'Aix-Marseille Sommaire Ouverture de la journée La cartographie comme fondement de la fiction romanesque pour la jeunesse François Place, auteur-illustrateur L'exposition « les expéditions imaginaires » Rencontres avec les illustrateurs Liens utiles

Détail de l'exposition « les expéditions imaginaires » Photo Elodie fritsch 5 décembre 2013

Ouverte en mars 2004, l'Alcazar, BMVR de Marseille, accueille chaque année, depuis 2005, à l'automne, une journée interprofessionnelle de formation regroupant bibliothécaires, professeurs documentalistes, professeurs d'autres disciplines et étudiants de l'ESPE (ex. IUFM). Cette journée est co-organisée, en collaboration avec le rectorat, par l'Alcazar-BMVR, Livre association, l'Agence régionale du livre PACA, l'ESPE Aix-Marseille Université (ex IUFM) , le CRDP de l'Académie d'Aix Marseille, la Bibliothèque départementale des Bouches du Rhône, l' Île aux Livres (département littérature jeunesse de l'Alcazar) et l'association la Forêt en papier. Elle est le prolongement du travail du comité de lecture Pass'Livres qui se réunit tous les deux mois environ pour une présentation et une analyse d’ouvrages de fiction, romans et albums, à destination des 10-15 ans. Le thème choisi pour cette 9ème édition était : Cartographies « robinsonnes », les expéditions imaginaires. La journée a été ouverte par les allocutions de

✔ Christian Laget, directeur adjoint de la Direction des affaires culturelles de la ville de Marseille et directeur des bibliothèques et des musées de Marseille

✔ Pascale Brandt Pomarés et Vincent Valery directeurs adjoints de l'ESPE

✔ Léonor de Nussac, directrice de l'Agence régionale du livre PACA

✔ Marie-Anne Stiller chargée de mission coordinatrice du partenariat CRDP/Rectorat de l’académie d’Aix-Marseille pour le Comité Pass’Livres

✔ Pauline Oliveau Chargée de mission lecture-écriture à la DAAC du rectorat d'Aix-Marseille

✔ une représentante de la Bibliothèque Départementale de Prêts des Bouches du Rhône

✔ Anne-Marie Faure, responsable de L’Île aux Livres à l’Alcazar La matinée a accueilli les interventions de Danièle Dubois-Marcoin et François Place et l'après-midi a été consacrée à la découverte guidée de l'exposition « les expéditions imaginaires » et à la rencontre avec quatre des cinq illustrateurs associés au projet.

La cartographie comme fondement de la fiction romanesque pour la jeunesse : qu’en est-il dans la « robinsonnade » ?

par Danièle Dubois-Marcoin. Actuellement à la retraite mais toujours très active, Danièle Dubois-Marcoin a été maître de conférence en littérature jeunesse de l'université d'Artois et chercheuse à l'INRP (Institut national de recherche pédagogique). Sa thèse portait déjà sur les robinsonnades et s'intitulait : D. Dubois-Marcoin, La momie de Robinson, aspects d'un détournement de texte (la robinsonnade enfantine dans la France du XIXème. La carte, motif narratif Les cartes ont marqué l'occident. Les grands explorateurs partaient à la découverte de nouveaux lieux non cartographiés. Aujourd'hui il n'y a plus de lieu à découvrir. Presque toutes les cartes sont à jour, très précises et présentes partout (smartphone, Google Map ou Earth ...). L'imaginaire peut faire revivre cette soif d'exploration. Rêver d'exploration est toujours présent dans la tête de bien des gens (souvent déjà l'envie de voyager montre l'envie d'explorer des lieux inconnus). Le titre de la journée « cartographies robinsonnes » rappelle que la carte est au cœur des récits d'exploration dont le premier du genre qui a ouvert la voie à beaucoup d'autres : le Robinson Crusoé : Daniel Defoe, Robinson Crusoé, Londres, W.Taylor, 1719. L’invention des Robinsonnades C'est Rimbaud qui a créé le verbe « robinsonner ». Jean Jacques Rousseau considérait Robinson Crusoé comme le seul livre à mettre entre les mains des jeunes. Depuis sa parution, l'œuvre de Defoe n'a cessé de susciter de nouvelles variations sur le thème, ou robinsonnades. Parmi les plus représentatives, Johann David Wyss, Le Robinson suisse, 1812 ; Jules Verne, l'Île mystérieuse, 1874 ; ou encore William Golding, Sa majesté des mouches, 1954.

D'autres auteurs ont également procédé à une réécriture de l'œuvre, en modifiant l'histoire et les problématiques qu'elle propose. C'est le cas de Michel Tournier avec Vendredi ou les limbes du Pacifique, 1967, et la version pour un public plus jeune, Vendredi ou la vie sauvage, 1971. Le roman Foe, J.M Coetzee, 1986 est également un exemple de réécriture.

Mais si la carte est au centre du récit, elle n'est pourtant pas si présente que cela.

Quelle est alors la relation entre la Carte et le Roman d'aventure littéraire ? La création d’une carte passe souvent par la destruction du réel. On s’inspire du réel pour rendre plus réaliste un récit réaliste et on s’inspire aussi du réel pour créer un monde fantaisiste car on a toujours besoin de repère. La carte ne peut pas programmer le récit c'est le récit qui élabore la carte. La Robinsonnade s’oppose aussi à l’errance et à la fugue. Elle est une variation à caractère réaliste sur l'aventure de Robinson Crusoé mais axée sur l'île. Solitaire et démuni, confronté à lui- même, le Robinson va devoir évoluer. C’est l’épreuve du principe de la réalité : le Robinson devra accepter de devenir un être travailleur. Par exemple, les adaptations sous tendues par des buts (des idéologies …) vont s’approprier le réel pour assouvir ce qu’elles veulent démontrer.

- Le Robinson suisse, Wyss, Johann Rudolf et Engel, Lefèvre et Guérin, vers 1880, fonctionne à la manière d'une encyclopédie. La famille Zermatt à la suite d'un naufrage se retrouve échouée sur une île perdue de l'Indonésie. C'est un récit de découverte paisible. L’île est un lieu clôt et protecteur mais il faut s'approprier les lieux pour cela. Typonymie : la famille nomme des lieux de l'île pour se les approprier, par exemple : passage du hareng, île aux baleines ...

- Le Robinson de douze ans..., Malles de Beaulieu, Madame, E. Ducrocq, 1855.

- Le Robinson qui va servir de vitrine à la colonie : Les Robinsons français ou la Nouvelle-Calédonie, Morlent, Joseph, Ad Mame, 1856.

Dans tous ces livres il n’y a toujours pas de carte pour une mise en récit des découvertes. Ce type de roman peut être utilisé pour questionner l'avenir du monde. L'île protège ou enferme. Elle sert à la construction de soi. L’expérience de l’île s'oppose au jubilatoire de la nature. Les personnages ne peuvent être tranquilles dans un beau paysage. Le Robinson passe de la perdition vers la construction. On évoque des pays où l'on n'arrive jamais, nostalgie des pays que nous avons vus, des pays que nous aimerions voir.

L'intervention complète de Mme Dubois-Marcoin est disponible en annexe de ce document.

Rencontre avec François Place, auteur-illustrateur

François place montrant son livre-rouleau Photo : Elodie Fritsch 5 décembre 2013

François Place est né le 26 avril 1957 à Ezanville, dans le Val d'Oise. Il suit les cours d'expression visuelle à l'Ecole Estienne, avant de se lancer dans l’illustration. En tant que dessinateur, il a travaillé dans les domaines de l'audiovisuel, la presse d'entreprise, l'édition et la publicité. Ses premières illustrations de livres pour enfants paraissent en 1983 et il se met à écrire ses premiers textes. Il révèle son talent d'auteur en 1992 avec la parution de l'ouvrage Les derniers géants, 1992, livre qui sera récompensé par de nombreux prix. Il a reçu depuis le Grand Prix de la foire de Bologne pour l'Atlas des Géographes d'Orbae, 1996 - 2000 ainsi qu'un prix spécial des Librairies Sorcières. (Pour plus de détails, voir la présentation de François Place par Monique Alba en annexe) Ces livres s'appuient sur la thématique du voyage et leurs illustrations, "très classiques" comme il s'en excuse presque, prennent très clairement racine dans des traditions littéraire et visuelle du conte initiatique et de la cartographie: articulation entre le réel et l'imaginaire, illusions qu'il présente comme vraies, rapportées par un géographe-poète. On retrouve dans ses récits les constante du voyage « avoir un but qu’on veut atteindre, partir de son petit coin, être projeté dans l’inconnu » F. Place nous a fait l'honneur de la lecture de quelques pages de certaines de ses oeuvres : un univers magique, des personnages haut en couleurs et un questionnement qui font que son travail s'adresse à un large public: jeunes et moins jeunes sont happés par cet univers. Accompagnée d'un diaporama nous révélant quelques planches de l'auteur-illustrateur, la lecture des voyages de Cornélius et Ziara nous ont donné envie de lire ou relire ces ouvrages. Bibliographie

○ Les derniers des Géants, Bruxelles, Casterman, 1992, rééd. 2008 ○ Atlas des géographes d'Orbae (trilogie), Bruxelles, Casterman - Tome 1 : Du pays des amazones aux îles Indigo, novembre 1996 - Tome 2 : Du pays de Jade à l'Île Quinookta, juillet 2000 - Tome 3 : De la rivière rouge au pays des Zizotls, octobre 2000 ○ Le Vieux Fou de dessin, Paris, Gallimard, 2001, rééd. 2008. ○ Barbababor : histoire en chansons, Paris, T. Magnier, 2003 ○ Grand Ours, Bruxelles, Casterman, 2005 ○ Le Roi des Trois Orients, Voisins-Le-Bretonneux, Rue du Monde, 2006 ○ Le Prince bégayant, Paris, Gallimard, 2006 ○ La Fille des batailles, Bruxelles, Casterman, 2007 ○ La douane volante, Paris, Gallimard, 2010 ○ Le secret d'Orbae, Bruxelles, Casterman, 2011

○ Le vieux fou de dessins, Paris, Gallimard 1997

NB : ne figure pas dans cette bibliographie les participations en qualité d'illustrateur.

L'exposition « les expéditions imaginaires »

L'arbre à masques, sculpture Photo : Cati Antonelli 5 décembre 2013

Les expéditions imaginaires, exposition multimédia, interactive et itinérante, a été créée dans le cadre de Marseille-Provence 2013 pour mettre en valeur la vaste opération de conservation partagée des fonds jeunesse et les trésors qui la compose et qui sont conservés par l'île aux livres à l'Alcazar. L’Agence régionale du Livre Paca s’est alliée à l’Alcazar - BMVR de Marseille, la bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône et la médiathèque George Sand de Vitrolles. Cinq illustrateurs de la région (Arno, Vincent Bourgeau, Ghislaine Herbera, Amélie Jackowski et Hélène Riff) ont pris part à l'aventure et ont travaillé en commun sur des volumes de tailles et techniques différentes. L'exposition est déclinée autour de trois personnages dans trois espaces différents :

✔ à l’Alcazar, Robinson (à partir de Robinson Crusoé de Daniel Defoe) ;

✔ à Vitrolles, Alice (à partir d'Alice au Pays des merveilles de Lewis Caroll) ;

✔ un module itinérant, Long John Silver (pirate de L’Île au trésor de Robert Louis Stevenson). Chaque personnage vit des aventures dont la restitution prend corps par le biais de supports et d'événements diversifiés (réseaux sociaux, happenings, presse, tracts…). Les lecteurs-auditeurs-spectateurs-déambulateurs sont accompagnés par des médiateurs dans les dispositifs interactifs mis en place par les bibliothécaires. Par exemple, à l'Alcazar, dans la partie de l'exposition « L'île extraordinaire des Robinsons », il est possible à partir du tirage de trois dés d'inventer un nouvel objet permettant de survivre. Description et dessin de cet objet sont ensuite scannés pour enrichir une base d'outils de survie qui défile sur un écran tactile.

Créer ses outils de survie,

Photo : Elodie Fritsch 5 décembre 2013

Une importante médiation a été mise en place pour le jeune public. Outre les interactions multimédias proposées tout au long des expositions, des ateliers ouverts aux publics scolaires et aux centres sociaux, ainsi qu'aux particuliers sont animés par les cinq auteurs.

Rencontres avec les illustrateurs Arno, Vincent Bourgeau, Amélie Jackowski et Hélène Riff (Hélène Gerbera était excusée) sont venus clore cette journée en nous parlant de leur travail en général et de cette expérience, en particulier. Ils ont tous affirmé l'intérêt qu'ils portent à cette dernière car elle leur a permis de travailler collectivement, ce qui n'est pas leur pratique habituelle. Ils ont pris un réel plaisir dans cette collaboration qui a nourri leur travail.

Les expéditions imaginaires, (extrait) Photo : Elodie Fritsch 5 décembre 2013

Vincent Bourgeau est né le 10 octobre 1967 à Bruxelles. Après une année d'études à l'Institut Saint-Luc en section bande dessinée, il se tourne vers le graphisme et l'illustration de presse, puis vers le livre pour enfant. Arno Célerier est né à Paris en 1964. Il a publié plus d’une trentaine d’ouvrages dont Les nuits du monde, Bruxelles, Casterman, 2004 avec Corine Albaut (collection Petite Enfance), Le Grand Fariboleur, Paris, Sarbacane, 2006 avec Marie-Sabine Roger , Ce matin, Actes Sud Junior, 2012 et le dernier en date Israël- Palestine, une terre pour deux, Actes Sud Junior, 2013 avec Gérard Dhôtel. Il rejoint le sud où il partage un atelier avec cinq autres illustrateurs (Sabine Allard, Amélie Jackowski, Renaud Parrin, Hélène George et Lisa Mandel). Il enseigne l’illustration « traditionnelle » à l’IPESAA (Institut d’Arts appliqués). Amélie Jackowski est née à Toulon en 1976. Elle a suivi l'Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg et a publié pour Milan et Actes Sud junior. Hélène Riff est née le 13 octobre 1969 à Alger, où son père était enseignant. Elle a suivi les cours des Beaux-Arts de Montpellier, de l'Ecole des Arts appliqués de Lyon et ceux de l'atelier d'illustration des Arts décoratifs de Strasbourg. Elle vit désormais en Arles. Elle a publié principalement chez Albin Michel jeunesse.

Les expéditions imaginaires (extrait) Photo :

Elodie Fritsch 5 décembre 2013

LIENS UTILES La bibliographie associée, réalisée par l'ESPE, le CRDP, l'Alcazar-Marseille et l'Agence régionale du livre PACA est disponible en suivant ce lien : http://www.expeditionsimaginaires.fr/uploads/media/PASSLIVRES-biblio.pdf Thèse de Danièle Dubois-Marcoin « la momie de Robinson » : http://www.diffusiontheses.fr/35898-these-de-dubois-marcoin-danielle.html La robinsonnade pour la jeunesse et la question de l'altérite au 19ème siècle Intervention de Danièle dubois-Marcoin, 25 Janvier 2008. http://litterature.ens-lyon.fr/litterature/dossiers/litterature-de-jeunesse/intervention

Photopuzzle réalisé avec des photos d 'Elodie Fritsch et Cati Antonelli, 5 décembre 2013